Le Dr Dolorès Nembunzu est gynécologue-obstétricienne, coordonnatrice de la « Fistula Clinic » à l’hôpital Saint-Joseph de Kinshasa. Depuis, 16 ans, tous les jours, elle soigne des femmes atteintes de fistules obstétricales.
Avec l’assistance du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) et l’USAID, elle a déjà effectué plus de 2000 interventions chirurgicales réussies, dans la capitale Kinshasa et dans quelques provinces.
En 2020, elle a effectué sa toute première intervention à l’hôpital Saint-Georges, à Kananga, capitale de la province du Kasaï-Central, en RDC. Elle a traité avec succès une femme souffrant de fistule de recto-vaginale, qui constitue environ 0,8% des cas connus en RDC. « C’’est un cas de fistule obstétricale qui arrive assez rarement mais quand elle arrive, elle est assez sérieuse, compte tenu de l’incommodation qu’elle entraîne chez les femmes très jeunes et celles qui ont un petit bassin. Elle peut aussi subvenir lorsque l’enfant n’est pas en très bonne position, et qu’on fait des manœuvres pour le faire sortir », a expliqué le Dr Nembunzu à drcunfpa.org.
La fistule obstétricale, en elle-même, a expliqué le Dr Nembunzu, est essentiellement due à deux causes reconnues par UNFPA et tous les organismes qui traitent la fistule : c’est un travail d’accouchement difficile et prolongé. « Dans ce premier cas, la femme n’a pas pu accoucher dans les délais normaux. Deuxièmement, elle n’a pas pu bénéficier des soins obstétricaux d’urgence, en l’occurrence la césarienne. La fistule obstétricale est liée à ces deux causes essentielles. Et dernièrement on a parlé de fistule iatrogène lorsque cette césarienne ne se passe pas dans des bonnes conditions. En outre, un accident peut provoquer une blessure sur la vessie (viol, chute, cassure des os du bassin) de la femme et entrainé la fistule qu’on appellera une fistule traumatique », a-t-elle fait savoir.
A ce jour, le Dr Dolorès Nembunzu a opéré en tout 250 cas à Kananga et 50 cas à Isiro, chef-lieu de la province du Haut-Uele. « Par année, en site fixe nous opérons environs 220 cas. Dans les sorties, nous atteignons plus de 400 cas pour une année », a expliqué Dolorès Nembunzu, au site actualite.cd.
Médecin chaleureuse et empathique
Les patientes du Dr Dolorès Nembunzu la surnomme « Maman », explique fistulacare.org, démontrant ainsi la chaleur et l’empathie qu’elle apporte à son rôle de médecin et de défenseure des femmes vivant avec la fistule obstétricale.
Le Dr Nembunzu, indique fistulacare.org, est née à Butembo, dans l’est de la RDC, et est le plus jeune de sept enfants. Elle doit son prénom de Dolores à une médecin espagnole, Dolores, qui a aidé sa mère à la naissance particulièrement difficile de sa sœur aînée. Après avoir terminé ses études de médecine à l’université d’Algérie, elle a ensuite étudié la médecine tropicale à l’Institut de médecine tropicale d’Anvers, en Belgique. Par la suite, elle est retournée en RDC en 1988 pour travailler comme obstétricienne dans la ville d’Isiro, dans la province-orientale, au nord-est de la RDC, d’où elle est originaire et où elle a démarré sa carrière de médecin. Son premier poste était à l’hôpital de la visitation à Rungu, une ville de la province orientale . Ses expériences là-bas l’ont incitée à se concentrer sur l’aide aux personnes défavorisées dans son pays d’origine.
Quelques années plus tard, elle a découvert une thèse qui indiquait que la fistule était «difficile, sale et à ne pas toucher». Cette découverte a suscité la curiosité du Dr Nembunzu qui a souhaité connaître le sort des femmes atteintes de fistule. En 2003, à sa grande joie, elle a rencontré le Dr. Emile De Backer, un chirurgien belge qui soignait, avec succès, une fistule en RDC. Six mois plus tard, en octobre 2003, ce chirurgien est retourné en RDC et sa formation au traitement de la fistule a commencé. Pendant deux ans, les deux médecins ont travaillé en étroite collaboration et sans relâche. Après un cours de formation en 2005 à Addis-Abeba, en Éthiopie, le Dr Nembunzu était prête à soigner sa première patiente souffrant de cette maladie. «Je n’oublierai jamais la joie extraordinaire sur son visage quand elle s’est réveillée et a réalisé que le lit était sec», a déclaré le Dr Nembunzu a fistulacare.org.
Créer une relation avec les patientes
Cette dernière, dans son travail, a développé un manière très personnelle dans le traitement de la fistule. Elle apprend à bien connaître ses patientes, leurs aspirations personnelles, leurs familles et leur parcours jusqu’à l’Hôpital Saint-Joseph. Cette touche personnelle est le catalyseur de la guérison à venir après l’intervention chirurgicale.
« Il y a beaucoup de sentiment de douleur, beaucoup de compassion et de peine surtout quand il s’agit de viol, c’est pénible surtout c’est souvent chez les jeunes personnes qui gardent beaucoup de séquelles, surtout celles qui sont atteintes par les armes de guerre, les cartouches, les bâtons, la baïonnette, coup des balles laissant beaucoup de dégâts dans le corps de la femme….Même quand, nous réparons, les victimes portent toujours des dégâts psychologiques qui détruisent la femme au fond d’elle-même, face à son mari, face à ses enfants et face à la société toute entière. Nous sommes conscients que nous ne réparons pas toute la souffrance de la victime car elle doit faire face à l’environnement communautaire parfois hostile, les regards malveillants et la stigmatisation à vie. Quand il s’agit des viols sur mineures, ça fait très mal. Tout le monde est mal à l’aise dans le bloc opératoire, vraiment mal à l’aise ça donne un mélange de révolte et de pitié ; psychologiquement cette journée se termine très mal, on est obligé de ramener tous ces douleurs à la maison, en parler donc c’est pénible à franchement parler », a expliqué Dr Nembunzu à drc.unfpa.org.
Durant ses interventions, le Dr Nembunzu travaille, depuis plusieurs années, avec l’infirmier Paulin, avec qui elle a grandi. «Je ne pourrais pas faire mon travail sans lui, nous avons grandi ensemble, découvert la fistule ensemble. Lorsque nous sommes en chirurgie, il n’y a souvent pas besoin de mots, à travers les yeux seuls nous pouvons communiquer », a-t-elle fait savoir.
Mariée et mère de trois filles, Dr Nembunzu puise également sa force dans sa famille.
Eradiquer la fistule en RDC
Comme beaucoup de personnes qui travaillent pour lutter contre les mortalités maternelles, son espoir est d’éradiquer la fistule en RDC et de voir en RDC des soins de santé maternelle de qualité accessibles à tous et de services qui atteignent les nombreuses populations reculées de la RDC. En outre, elle souhaite transmettre les compétences acquises en traitement de fistules à d’autres gynécologues. Selon le Dr Nembunzu, parmi les défis à relever pour une meilleure prise en charge de la fistule, figurent l’équipement des hôpitaux qui doivent accueillir l’équipe médicale, la formation du personnel local à la prise en charge correcte des malades sur place, l’éradication de la pauvreté qui est un facteur important dans la prévalence de la fistule. « Il faut maintenant considérer les grands défis de la faiblesse du statut de la femme, la souffrance, la pauvreté, la douleur et tout ce qui tourne autour de la situation de la grossesse. C’est encore un grand défi pour moi. C’est la guerre des femmes comme on le dit en Afrique de l’ouest car on pense que c’est sa responsabilité d’accoucher correctement alors si elle n’a pas pu accoucher du tout, ça devient la stigmatisation. Ces aspects collatéraux sont toujours très gênants pour moi. Enfin, on cherche toujours à s’adapter aux défis structurels des formations sanitaires ».
Le 13 novembre 2020, le Dr Dolores Nembunzu a reçu le 13 novembre un prix du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) pour ses efforts et son engagement dans l’élimination des fistules obstétricales en RDC.