Ingénieure chez Microsoft à Seattle, aux USA, Aissatou Bany Bah, originaire de la Guinée( Conakry), s’est notamment donné pour objectif de changer le récit de ce qu’une femme africaine est censée faire , afin de montrer qu’il est possible de dépasser les limites que la société lui impose.
Africanshapers : pourriez-vous vous présenter et nous rappeler quel est votre parcours académique et professionnel?
Je suis née en Guinée Conakry et j’ai 26 ans. J’ai effectué mes études primaires et secondaires au Lycée Sainte Marie de Dixinn. C’est après le BEPC (Brevet d’Etudes du Premier Cycle) que je suis allée aux USA. J’ai terminé le lycée à Atlanta ou j’ai obtenu mon baccalauréat à 18 ans avant d’être admise à l’Université Georgia Institute of Technology (Georgia Tech). J’y ai étudié les mathématiques et j’ai fait parallèlement un diplôme d’Ingénieur Industriel. J’ai aussi été sélectionnée parmi les meilleurs étudiants (Noir, Espagnol et Asiatique) pour suivre une formation en Management (SVMP) à Harvard Business School. Durant mon cursus universitaire, j’ai effectué plusieurs stages notamment chez Caterpillar, Home Depot, CDC, Emory University Hospital et Microsoft. C’est à l’occasion de mon passage chez Microsoft que j’ai obtenu une offre d’embauche. Au départ, j’ai été responsable du département de stratégie et planification dans le domaine de Xbox avant d’être nommée comme point focal entre Microsoft et nos usines de production en Asie base sur les produits de Surface.
En quoi consiste concrètement votre travail de «Global Supply Planner» pour les accessoires de la Xbox Surface à Microsoft?
Je suis responsable de la création d’un plan qui gère le processus de fabrication des produits de surface dans nos usines avant leur distribution. Certains de ces produits comprennent des claviers, des souris et des écouteurs. Nous innovons et lançons constamment de nouveaux appareils. Je travaille avec des équipes transversales des finances, du marketing, des ventes et de la fabrication pour m’assurer que nous livrons les meilleurs produits à nos clients dans le monde entier.
Vous êtes diplômée du Georgia Institute of Technology, en systèmes industriels et ingénierie avec une maitrise en mathématiques appliquées. Qu’est-ce qui vous a motivée à effectuer des études dans ce domaine?
J’ai toujours aimé les mathématiques. J’aime résoudre des problèmes à plusieurs inconnus en utilisant des formules mathématiques pour avoir un résultat. C’est vraiment intéressant à chaque fois que je rencontre un problème pour lequel il n’y a pas de solutions et que je tente de le résoudre. C’est l’une de mes meilleures passions.
A l’origine je me suis spécialisée en Mathématiques et après 3 ans, j’ai réalisé que même si j’aimais les chiffres, je voudrais les appliquer différemment. C’est ainsi que je me suis inscrite en ingénierie. J’ai compris que le génie industriel était polyvalent et le plus proche des mathématiques. C’était le match parfait. Mes parents n’avaient aucune idée de ce que j’étudiais malgré l’insistance de mon père, j’ai toujours gardé le secret. Ma soutenance fut une grande surprise pour ma famille.
Vous avez effectué plusieurs stages, en dehors de Microsoft. Qu’est-ce que ces différents stages vous ont apporté sur les plans professionnel et humain?
Parmi les choses que j’ai apprises au cours de ces stages et que je continue d’apprendre aujourd’hui figurent la persévérance, l’amour du travail bien fait, le travail en équipe et un bon encadrement professionnel. De plus, la curiosité, l’ouverture d’esprit et la volonté de toujours apprendre sont essentielles pour la réussite. N’ayez jamais peur de prendre un risque et de sortir de votre zone de confort, vous serez surpris de tout ce que vous pouvez réaliser.
Qu’est-ce qui vous motive dans la réalisation de votre travail?
Beaucoup de choses me motivent à être la meilleure version de moi-même et à réussir dans tout ce que je fais. Ma plus grande motivation vient de mon père et de son éducation. Il a pu surmonter de nombreux obstacles et être le premier et unique médecin légiste de Guinée. C’est l’une des personnes les plus inspirantes de ma vie. Une autre chose qui me motive est le désir de devenir indépendante et de changer le récit de ce qu’une femme africaine est censée faire. Je veux ouvrir la voie à d’autres qui me ressemblent et montrer qu’il est possible de dépasser les limites que la société nous impose. Pour moi, l’échec est une opportunité de tirer une leçon qui te permettra de surmonter d’éventuel obstacles. Je me rappelle toujours « It ’s a marathon but not sprint. »
Quelle est la journée type d’Aissatou Bany Bah?
Avant la COVID 19, je me réveillais à 7h et je me rendais au bureau vers 9h – 10h selon l’heure de ma première réunion. Une fois au travail, je prends ma tasse de café (j’adore), puis je me dirige vers mon bureau où je commence à lire mes courriels et planifie ma journée. J’ai habituellement des activités quotidiennes dont je suis responsable, mais je travaille également sur des projets parallèles 30% du temps; ils varient tous beaucoup. Je participe généralement à de nombreuses réunions où je fais du brainstorming, je résous des problèmes au tableau avec des collègues ou je fais des présentations à des apprenants dans différents forums. Maintenant, avec la covid, les choses ont beaucoup changé et tout est virtuel. Je travaille à domicile bousculant ainsi mes habitudes quotidiennes. Je me réveille plus tard cependant je travaille très tard aussi. – il est si facile de travailler sans interruption. Ma soirée consiste en des promenades dans la ville, des parcs, des lacs (j’adore l’eau) et peut-être en regardant la télé le soir avant d’aller me coucher.
Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontée dans votre travail et comment les surmontez-vous?
L’ambiguïté doit être en tête de liste. Nous fabriquons souvent des produits pour la première fois et personne ne sait vraiment quoi faire, mais avec un esprit de croissance, nous y arrivons toujours. L’autre défi consiste simplement à apprendre à travailler efficacement avec les gens afin de fournir le meilleur produit. Beaucoup d’équipes touchent le produit à différentes étapes et il est très important que nous restions tous sur la même longueur d’ondes et que nous communiquions afin que le produit final soit de bonne qualité et aime des clients.
Si vous étiez un mentor, quels conseils donneriez-vous à toutes les jeunes filles et jeunes garçons qui souhaiteraient travailler dans le secteur de la technologie?
Tout d’abord, je veux démystifier l’idée que vous devez étudier l’informatique ou l’ingénierie pour travailler chez Microsoft ou dans toute autre entreprise technologique. C’est vraiment un mythe. Il y a une place pour tout le monde dans la technologie. Mon conseil serait de se concentrer sur l’acquisition des connaissances à l’école, de rejoindre / diriger un club sur le campus, de faire des stages, de maintenir une bonne moyenne GPA (Grade Point Average), au-delà de 3,5. C’est tellement facile d’être motivé par l’obtention de bonnes notes, mais laissez-moi vous dire que, même si c’est bien, ce n’est plus suffisant. Ils veulent voir les initiatives que vous avez prises, les expériences de leadership et les stages. Construisez votre CV plus tôt à l’université. N’ayez pas peur de postuler, même si vous pensez que vous n’êtes pas qualifié. Si vous n’obtenez pas le stage la première fois, vous apprendrez beaucoup et vous vous améliorerez la prochaine fois. Postulez à autant de stages que possible, passez les entretiens et décidez à la fin. Vous vous améliorerez au fur et à mesure.
Quels liens avez-vous gardé avec la Guinée, votre pays d’origine ?
J’ai quitté la Guinée en 2010, laissant mes parents derrière moi. Mon objectif principal était de réussir, de devenir indépendante et de les rendre fiers ; donc j’ai fait exactement cela. Néanmoins, je n’avais pas ressenti le besoin de retourner en Guinée car mes parents venaient souvent me rendre visite. J’avais tort. Ce n’est que lors de ma visite en 2018 que j’ai réalisé que j’avais perdu le lien avec mon pays d’origine parce que j’étais restée si longtemps sans y effectuer une visite . C’est à ce moment que j’ai su que je devais faire quelques changements et commencer à donner la priorité à rentrer souvent en Guinée. Je vis aux États-Unis depuis 10 ans et je n’ai visité mon pays que deux fois: en 2013 et en 2018. Deux ans plus tard, me voici en Guinée en ce moment en visite chez ma famille. Quel bonheur ! Je suis toute heureuse.
Quels sont vos projets?
C’est une question intéressante. J’y ai réfléchi pendant des années et j’ai eu du mal à identifier ce que je veux vraiment faire – quelque chose qui me passionne et qui a également un impact dans ma communauté. Il n’y a pas de projet spécifique que je peux communiquer actuellement, mais il est en cours de réalisation et ce sera quelque chose qui tirera parti de mon expérience actuelle et pour le grand bénéfice de mon pays.