Awet Tesfaiesus,première femme noire à siéger au Bundestag,le Parlement allemand

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Née en 1974 à Asmara, capitale de l’Érythrée, elle devient membre du parlement allemand, élue le dimanche 26 septembre, pour le compte du parti des Verts à Hesse, l’un des seize Etats fédérés composant l’Allemagne, dont la capitale est Wiesbaden, et la plus grande ville est Francfort-sur-le-Main.

Awet Tesfaiesus est arrivée en Allemagne encore enfant avec ses parents, au milieu des années 80. Elle a grandi près de la ville de Heidelberg, où elle a étudié le droit. Depuis 20 ans, elle vit Kassel, dans le nord de Hesse, où s’est présentée comme candidate directe dans la circonscription de Werra-Meißner/Hersfeld Rotenburg et où elle avait effectué son stage en droit au tribunal régional de Kassel. Après quelques années passées à Hessisch Lichtenau, l’avocate, qui s’occupe principalement d’affaires relevant du droit des étrangers et du droit d’asile, s’est installée à Kassel.

Mariée et mère d’un garçon, Awet Tesfaiesus a été active sur le plan politique en tant que conseillère municipale à Kassel pendant de nombreuses années, dont environ six ans au sein de l’exécutif du parti. Membre du barreau de Munich depuis 2006, l’avocate de 47 ans est membre du parti des Verts depuis 2009 et porte-parole de l’intégration et de l’égalité pour le groupe parlementaire des Verts au parlement de la ville de Kassel depuis 2016 et vice-président du groupe parlementaire des Verts, depuis 2019. En raison de son travail,  elle a longtemps pensé qu’elle n’avait pas le temps de s’impliquer davantage dans la politique.

Le déclic

C’est l’attaque raciste qui a eu lieu dans la ville de Hanau, en 2020, qui l’a incitée à se présenter au Bundestag. À l’époque, elle a d’abord envisagé de quitter le pays avec son mari et son fils. Mais elle a ensuite décidé de rester et de se battre pour un meilleur avenir. « Ce qui s’est passé à Hanau m’a ramené à l’époque de mon diplôme de fin d’études secondaires dans les années 90, c’était l’époque des attaques racistes. À l’époque, j’ai obtenu une place à l’université en Allemagne de l’Est et je l’ai refusée pour des raisons de sécurité, préférant attendre un semestre. Maintenant, mon fils sera bientôt au point où il construit sa vie, et je dois réaliser : Rien n’a changé pour lui. Nous en sommes toujours au même point en tant que société. Après Hanau, j’y ai réfléchi avec mon mari : Soit nous quittons le pays. Ou nous nous battons pour notre fils, qui est né ici après tout. C’est aussi son pays. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de me présenter au Bundestag. J’ai une responsabilité envers mon fils – et les nombreux marginaux de notre pays dont la voix est à peine entendue », a fait savoir Awet Tesfaiesus lors d’une interview.

Et d’ajouter lors d’une autre interview :« L’année écoulée m’a façonné politiquement comme aucune autre. Alors que je me bats depuis de nombreuses années pour les droits des réfugiés et pour une société tolérante et diverse sur le plan politique, civique et professionnel, après l’attentat de Hanau en février 2020, j’ai dû me demander si ma famille et moi pouvions avoir un avenir dans ce pays. Après la montée constante d’un parti populiste de droite, après les incidents de Chemnitz, l’attentat de Halle, l’attentat de Hanau ont secoué notre pays. Pour moi, il était clair en février 2020 qu’une autre veillée ne suffirait pas : après Hanau, cela ne pouvait plus durer. Il ne suffit pas de s’opposer aux extrémistes de droite et aux populistes. Il est temps d’identifier et de nommer les structures fascistes, racistes et réactionnaires », expliquait Awet Tesfaiesus avant son élection.

Lutter contre le racisme et la discrimination

Au Bundestag, Awet Tesfaiesus veut faire campagne pour l’égalité des chances, la diversité et une loi sur l’asile, ainsi que pour lutter contre le racisme et la discrimination. « Nous avons besoin de toute urgence d’une loi anti-discrimination efficace. Telle qu’elle est actuellement réglementée, la loi n’est utile qu’en matière de droit du travail. Mais si, par exemple, en tant que personne noire, je n’obtiens pas d’appartement, il doit y avoir quelque chose que je puisse faire pour me défendre en tant que personne concernée. J’ai moi-même fait l’expérience de la différence entre mon mari, qui est blanc et allemand, qui va voir l’appartement et moi. Il est impossible que je doive toujours envoyer mon mari en premier pour avoir plus de chances d’obtenir un appartement. Il est urgent de donner aux associations le droit d’agir en justice dans ce domaine. Après tout, qui risquerait un long procès à titre individuel, éventuellement contre une puissante société immobilière ? »

Pour Awet Tesfaiesus, le racisme au quotidien est un gros problème et chaque personne non blanche peut raconter suffisamment d’expériences. « Je n’ai qu’à mentionner les contrôles de police. C’est pourquoi nous demandons enfin une étude scientifique indépendante sur le racisme dans la police. Les politiciens font obstacle à ce projet et considèrent que nos expériences sont exagérées. Je ne comprends pas pourquoi ils refusent d’accepter les découvertes scientifiques », a fait savoir Awet Tesfaiesus lors d’une interview.

Fierté et honneur

Mais pour l’instant, Awet Tesfaiesus est fière et estime que c’est un grand honneur d’être la première femme noire au Bundestag. « Enfant, je ne pouvais pas imaginer qu’il y ait une femme noire avocate, médecin ou politicienne dans le monde ». Elle aimerait que les petites filles grandissent maintenant en sachant que cela est également possible.

« Rien qu’en siégeant au Bundestag avec mon visage noir, j’ouvre la porte à d’autres. S’il y a plus de personnes diverses au Parlement, c’est un signe pour tout le monde », dit-elle.

Pendant son temps libre, Awet Tesfaiesus  travaille avec des groupes de PoC (« People of Colour », c’est-à-dire des individus ou des groupes exposés à de multiples formes de racisme). Dans le district de Werra-Meißner, elle a participé au Forum des citoyens en 2011 à l’élaboration d’un programme régional des citoyens, que le groupe a remis au président fédéral Christian Wulff du CDU.

 

Patrick Ndungidi
Journaliste et Storyteller
https://africanshapers.com

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