Lauréate de la région « Afrique subsaharienne », elle fait partie des 7 jeunes femmes de 7 régions qui ont été primées le vendredi 3 mai.
Depuis 2015, Manka Angwafo a fondé « Grassland Cameroon », une société de traitement des céréales au Cameroun. La société travaille en étroite collaboration avec les petits exploitants agricoles du nord-ouest du Cameroun pour améliorer la vie des agriculteurs, de leurs familles et de leurs communautés.
Grassland Cameroon a commencé par proposer des solutions de stockage et de manutention aux producteurs de maïs et à vendre leur récolte à de gros acheteurs industriels. En 2017, l’entreprise a lancé un programme de sous-traitance pour veiller à ce que les agriculteurs disposent des ressources nécessaires pour améliorer leur rendement et, partant, augmenter leurs revenus.
Genèse du projet
Manka Angwafo, explique Cartier Women’s initiative, a eu l’idée de créer son entreprise lorsqu’elle rendait visite à sa grand-mère dans sa ferme au Cameroun en 2013. En se rendant dans les champs pour l’aider à récolter son maïs, elle a réalisé à quel point le processus était très laborieux. «Nous avons cassé beaucoup de noyaux et avons perdu du bon grain. Je savais que cela pouvait être fait différemment », explique Manka Angwafo.
En discutant avec sa grand-mère, la jeune femme s’est rendue compte que l’un des problèmes majeurs était le manque de financement pour acheter des ressources de qualité, y compris du matériel agricole. «L’accès au financement est difficile pour la plupart des agriculteurs et même le peu qui est disponible est assorti d’un taux d’intérêt de 25 à 35%», explique-t-elle. De plus, les femmes camerounaises sont rarement propriétaires des terres qu’elles exploitent et les lois interdisant la possession de terres agricoles avant l’âge de 40 ans excluent les jeunes agriculteurs.
Manka Angwafo a ainsi décidé que la solution serait d’offrir un financement aux agriculteurs, qui peut être remboursé en céréales. Ainsi, Grassland Cameroon offre aux petits exploitants un financement, des outils, une formation et un accès aux marchés reposant sur des actifs. Travaillant avec des ONG pour sélectionner des agriculteurs vulnérables capables de les rembourser en maïs, l’entreprise propose ensuite un prêt à un taux d’intérêt marginal pour une période de quatre mois, c’est-à-dire une saison de culture de maïs. Le remboursement est effectué au moment des récoltes et Grassland Cameroon achète jusqu’à 70% de la récolte restante, offrant ainsi aux agriculteurs un accès crucial au marché. Grâce à ses contacts et à la qualité constante de ses grains, la société de Manka Angwafo peut vendre directement à ses entreprises clientes.
200% d’augmentation des revenus
Avec Grassland Cameroon, les agriculteurs bénéficient également d’un soutien supplémentaire sous forme de conseils dans des domaines tels que la planification de la production, la lutte contre les parasites et la gestion de l’eau. «Leur apprendre à utiliser les actifs que nous prêtons réduit le risque de défaut de crédit et leur garantit des rendements suffisamment élevés pour nous rembourser», explique Manka Angwafo. Grassland propose également des machines à louer à crédit. À ce jour, ses actions ont aidé les agriculteurs à doubler leurs rendements, atteignant 4,6 tonnes par hectare, augmentant ainsi leurs revenus de 200%.
«Les pertes après récolte sont un obstacle dévastateur à la productivité», observe Manka Angwafo. Le maïs, par exemple, est récolté pendant la saison des pluies, il est donc susceptible de s’altérer en raison du manque de stockage et d’un séchage adéquat. Jusqu’à présent, son entreprise a aidé 373 agriculteurs, avec un taux de remboursement de 97%. Pour que le remboursement se déroule sans encombre, les agriculteurs sont organisés en groupes, le groupe entier étant responsable du remboursement de chaque membre.
«Je pense que chaque famille africaine doit avoir un esprit d’entreprise pour survivre», note Manka Angwafo qui est issue d’une famille d’agriculteurs, ce qui lui a permis de mieux comprendre les défis auxquels sont confrontés les petits exploitants agricoles, dont beaucoup sont des femmes. «Leurs récits inédits suggèrent des moyens de libérer le vaste potentiel du secteur. C’est là que le plus grand impact sur les communautés rurales africaines se fera sentir. »
Spécialiste en économie
Née de parents camerounais et jamaïcain, Manka Angwafo est diplômée de l’université de Tufts, où elle a obtenu une double spécialisation en économie et relations internationales.Elle est également détentrice d’un Master en « European business » de l’ESCP Europe à Paris .
Elle a débuté sa carrière dans les fusions et acquisitions et a ensuite travaillé pendant 6 ans comme analyste de recherche au bureau de l’économiste en chef de la Banque mondiale pour la région Afrique, où elle a débuté à l’âge de 23 ans. À ce titre, elle a collecté, agrégé et analysé des données (toutes les deux semaines) identifiant les tendances macroéconomiques dans la région. De 2009 à 2011, elle a fait partie de l’équipe de coordination chargée de l’examen et de l’évaluation institutionnelle des politiques des pays africains (CPIA) et l’évaluation institutionnelle des politiques post-conflit (PCPI) – les outils uniques utilisés pour déterminer l’IDA (prêt concessionnel), prêts pour les pays d’Afrique sortant d’un conflit, à revenu faible ou intermédiaire.
En outre, Mankwa Angwafo a co-édité et géré « Yes Africa Can: Success stories from a dynamic continent », un rapport phare documentant les réalisations en matière de développement en Afrique subsaharienne. A l’âge de 26 ans, elle avait également créé une « Hadithi », une entreprise technologique à but non lucratif au Kenya.