Deborah Mobula:« j’aime diriger et prendre des initiatives dans plusieurs domaines»

Actualités Entretien

Originaire de la République démocratique du Congo, diplômée en génie civil, Deborah Mobula, 27 ans, travaille actuellement pour une compagnie de consulting dans l’Etat de Géorgie aux Etats Unis, où  son travail consiste à exécuter efficacement la conception géométrique de routes et d’autoroutes sûres dans l’Etat de Géorgie. Elle fait aussi partie de l’équipe de leadership de STEM DRC Initiative, organisation à but non lucratif, créée par le Dr Sandrine Mubenga, et qui promeut l’enseignement, l’entrepreneuriat et la recherche en sciences et technologie, en ingénierie et mathématiques (STEM) en RDC. 

 Africanshapers : pourriez-vous vous présenter et nous rappeler quel est votre parcours académique et professionnel ?

Deborah Mobula :  née et grandi à Kinshasa, en RDC, j’ai fini mes études secondaires en Math-Physique, au complexe scolaire les Loupiots. Après avoir complété mes études secondaires, j’ai poursuivi mes études universitaires à l’université de Toledo, dans l’Ohio avec un baccalauréat des sciences en génie civil. Bien avant de finir mes études universitaires, J’ai effectué plusieurs stages en conception de routes dans des compagnies locales de l’Ohio.

Juste après l’obtention de mon diplôme, j’ai débuté ma carrière professionnelle en tant qu’ingénieure en conception de routes. Je travaille actuellement pour une compagnie de consulting dans l’Etat de la Géorgie aux Etats Unis, où  mon rôle est d’exécuter efficacement la conception géométrique de routes et d’autoroutes sûres dans l’état de la Géorgie. De nombreux facteurs ont influencé mon choix de carrière. Entre autres, le manque de systèmes de transport développés en RDC, le sous-développement du Congo, dont le plus grand facteur a été le manque de voies de transport sûres dans la nation, ainsi que la médiocre qualité de vie de notre pays la RDC. J’ai aussi toujours été bonne en mathématiques, passionnée de design et des infrastructures en général. Donc j’ai trouvé une profession qui combinait le tout en un.

Qu’est-ce qui vous a motivée à effectuer des études d’ingénierie?

Il y a tellement de choses qui m’ont motivée à poursuivre des études d’ingénierie. Premièrement, le manque d’infrastructures développées dans notre pays. Ensuite, la pauvreté et la malnutrition en RDC, dues au manque de voies et systèmes de transports développés.  Finalement, ma passion d’aider et d’apporter un plus à notre société, en transformant et en facilitant la vie de ses habitants. Je prends plaisir à travailler en équipe pour trouver des solutions à des problèmes qui vont donc aider ceux qui bénéficient de notre travail. Dans mon cas, les habitant qui utilisent des routes que j’ai aidé à construire. Je suis super bonne en mathématiques. Ainsi, j’ai voulu trouver une profession qui m’aiderait à combiner toutes mes passions et compétences. Et j’aime tellement ce que je fais couramment, je pense avoir fait le bon choix.

Votre parcours peut-il être considéré comme un « succès » jusque-là ?

J’ai dans le passé lu un livre de Glenn Bland, auteur Americain, intitulé «Success, The Glenn Bland Method». Ce dernier définissait le succès comme étant la réalisation progressive d’objectifs valables prédéterminés, stabilisés par l’équilibre et purifiés par la foi. Pour moi, le succès est en quelques termes la croissance dans tous les quatre domaines majeurs de la vie, spirituel, financier, éducatif et récréatif/émotionnel. Il est important d’être heureux dans tous les domaines. Selon moi, il est important de rechercher à être équilibré dans la vie. Être épanoui dans ces domaines, et être équilibré, c’est ça, selon moi, le vrai succès.

Jusque-là, je considère l’obtention de mon diplôme comme étant l’un des plus grands succès de ma vie. Il n’est pas du tout facile de poursuivre ses études en ingénierie aux Etats Unis en tant qu’étudiant international, vu que nous sommes plutôt désavantagés dans beaucoup d’aspects.  Faire ses études et travailler dans une langue et culture qui n’est pas la vôtre, apprendre à s’adapter à une culture différente, à la technologie avancée et au système américain n’a pas été facile.

Qu’est-ce qui a été le plus difficile ?

Après avoir effectué mes études secondaires dans un pays comme la RDC, j’avais l’impression de faire du rattrapage 24 heures sur sept avec la technologie, comparé aux Américains. La langue, les méthodes de recherches, l’usage de certains programmes étaient comme un obstacle pour moi. Mais, j’ai finalement pu me rattraper et faire beaucoup mieux que plusieurs de mes collègues de classe. Être capable de bien faire et d’apprendre de mes erreurs est aussi ce que je considère comme un succès.

Vous avez aussi connu des échecs ? Quelles en sont les raisons ?

Jusqu’à présent, mes échecs ont été liés à la nonchalance, le manque de confiance en soi, et à mes insécurités par rapport à mes origines.  Dans la culture congolaise, tout nous était servi sur un plat. Cela est lié au paternalisme, au système colonial utilisé par les Belges, où  l’on traitait les Congolais comme étant des enfants, incapables de prendre des décisions pour eux même, et il fallait donc tout leur apprendre. J’ai remarqué qu’au Congo, nous avions développé une habitude d’attendre ou de recevoir une certaine permission des autres avant d’entamer quoi que ce soit. D’où le manque de recherche. Ceci est mon humble opinion.   Arrivée donc en Amérique, je me suis vite rendu compte qu’il fallait que je change les choses et m’adapte au système d’ici. Beaucoup de mes échecs sont aussi liés à mes peurs. Peur de faire les choses mal, peur du regard des autres, peur de ne pas être à la hauteur, peur d’échouer. Toutes ces choses jouaient sur mon mental.  J’ai perdu deux fois des emplois dans ma vie. La première fois que j’ai perdu un emploi, cela ne m’avait pas affecté autant. La deuxième fois était définitivement un rappel à l’ordre pour moi. Je luttais constamment entre la pensée de ne jamais être assez bonne. Au moment où je pensais bien faire les choses, il y avait comme un sentiment de nonchalance qui s’installait. Je savais être capable, mais cette lutte intérieure était bien plus forte. Par conséquent, la peur d’échouer m’empêchait de prendre des risques, et je mettais la pédale douce de peur de faire des erreurs.  En bref, ces deux évènements m’ont vraiment éveillée et j’avais décidé de donner le meilleur de moi-même dans tout ce que j’entreprendrai, et j’ai appris à prendre des risques calculés.

Un de mes mentors m’a souvent dit qu’être aimé et avoir la meilleure des personnalités ne remplacent pas le travail dur et l’excellence. Il est important d’avoir une personnalité de fer, et d’avoir de bonnes relations avec ses collègues. Mais, à la fin, on travaille pour faire des profits. Votre extraordinaire personnalité ne remplace nullement votre performance et croissance personnelle.  Il est aussi important d’avoir des plans concrets dans la vie, et de travailler dessus pour atteindre ses objectifs  ainsi qu’aligner ses activités quotidiennes à ses objectifs. Un de mes mentors m’a souvent dit que nos actions quotidiennes sont comme de l’encre, et elles font partie de notre histoire en permanence. Donc, soyons conscients de l’encre que nous utilisons. Personne n’est responsable de votre réussite. J’ai appris que vous devez être très proactif dans la vie, sinon tout le monde aura un plan pour vous et vous emprunterez des chemins et arriverez à des destinations qui ne sont pas les vôtres.

Quelle différence ressentez-vous dans le fait de travailler en Amérique par rapport à votre expérience d’avoir vécu en RDC?

Après avoir vécu dans ce pays depuis un certain temps, j’ai toujours trouvé incroyable d’avoir une sorte d’avantage ayant grandi dans un pays différent, ayant expérimenté différentes cultures.  J’ai réalisé que nous utilisions beaucoup de théorie et de mémorisation au Congo.  Le manque d’Internet et l’accès facile à l’information m’avaient permis de développer un certain niveau de fonction cérébrale que je n’aurais peut-être pas développé si j’avais accès à toute la technologie. En venant ici, j’ai appris à utiliser mes capacités de la vieille école avec la technologie, et les résultats sont incroyables.  Je pense avoir le meilleur des deux mondes.

Quelle définition donnez-vous au mot « Leadership » et comment incarnez-vous ce leadership dans votre vie professionnelle ?

Le leadership a plusieurs dimensions. Pour moi, le leadership n’est rien d’autre que mettre ses talents au service de ceux que l’on dirige. Découvrir le talent de plusieurs et leur donner l’occasion de démontrer leur talent et de les aider à  le développer à 200%.

C’est l’un de mes sujets préférés. Le leadership est bien plus que ce que nous pensons. Le leadership, c’est mettre ses dons et ses talents au service d’ autrui. Un bon leader est appelé à prendre soin, à inspirer et à responsabiliser les personnes qu’ils dirigent tout en faisant ressortir le meilleur d’eux-mêmes. Personnellement, j’aime diriger et prendre des initiatives dans plusieurs domaines autant que je peux. J’essaye de diriger des petits groupes de personnes dans différents domaines. J’essaie d’apprendre du passé, de mes expériences, et de celles des autres, bonnes comme mauvaises, copiant ce qui est bon, et rejetant le mauvais. Je m’assure d’avoir des personnes que je suis de près, des mentors, mais aussi des personnes que je dirige en même temps. Cela m’aide à être épanouie et équilibrée.

Dans la compagnie où je travaille actuellement, J’ai créé un groupe d’affinité, que je dirige avec 3 autres collègues. L’objectif du groupe est de faire en sorte que les employés noirs et bruns grandissent et soient traités équitablement au sein de l’entreprise. Nous nous concentrons sur le recrutement, la rétention et l’avancement des employés noirs – employés d’origine africaines. J’essaie de diriger de petits groupes de personnes et de le faire avec excellence. Je crois que diriger de petits groupes vous aide à vous développer vous-même et à développer l’équipe qui est sous votre leadership. A la fin, il est bénéfique pour tous.

Qu’est-ce qui vous motive dans votre travail ?

Ce qui me motive dans mon travail, c’est mon « WHY ». J’ai récemment lu un livre de Simon Sinek, « Start with WHY ». Dans ce livre, il parle de l’importance de connaitre son « Pourquoi ». En d’autres termes, connaitre la raison pour laquelle vous faites ce que vous faites. Et la raison pour laquelle vous répondez à votre appel, malgré les difficultés et les obstacles qui se présentent devant vous.   Pour moi, la raison primordiale pour laquelle je travaille, c’est mon pays, la RDC. Et aussi les générations qui viennent après moi. C’est mon plus grand « POURQUOI ». C’est ainsi que chaque fois que j’échoue ou que je fais face à ce qui semble être un obstacle insurmontable, je pense à la raison pour laquelle j’ai commencé. Je pense aux vies que je veux améliorer avec mon travail. Je pense aux familles et aux générations qui, un jour, me remercieront de n’avoir jamais abandonné. Les générations qui diront un jour, à cause de vous, ma vie est meilleure, à cause de votre persévérance, de votre travail par excellence, notre qualité de vie a été améliorée.  Maintenant ça, c’est ce qui me motive.

Quelle est la journée type de DEBORAH MOBULA ?

Je suis plutôt une couche-tôt. Donc, mes journées commencent très tôt. J’aime prendre le temps de me connecter avec Dieu dès le matin à travers la prière, et la méditation de la Bible.

Ensuite, quelques jours par semaine, je fais un peu de sport avant de commencer ma journée. Je prends mon petit-déjeuner, généralement quelque chose de rapide et bon pour la santé, comme du flocon d’avoine, des fruits, du yaourt, ou des céréales. Ensuite, commençant ma journée, j’énumère mes tâches et me fixe des objectifs pour la journée. Cela m’aide à être organisée.  Mes journées de travail sont  différentes les unes des autres. Je n’ai jamais eu deux jours similaires en une semaine. Je finis d’abord les tâches importantes de la journée, puis j’utilise mon temps supplémentaire pour travailler sur d’autres organisations dont je fais partie comme le « Black Employee Network » et le « Women in Transportation Seminar », deux groupes dont je fais partie. Et après le boulot, selon le jour, je sors, je fais des marches dans mon quartier, je fais de la musique (Guitare, chanson), ou je reste tout simplement à la maison pour me détendre.

Quelle est votre réalisation la plus importante à ce jour ? Pourquoi ?

Avoir fini mes études avec très grande distinction, malgré les obstacles, constitue l’une de mes plus grandes réalisations. Je fais aussi partie de l’équipe de leadership d’une organisation, la STEM DRC Initiative, organisation à but non lucratif, créée par le Dr Sandrine Mubenga il y a de cela quelques années. Faire partie du leadership d’une organisation qui aide les plus démunis au Congo à poursuivre des études en Science, Technologie, Ingénierie et Mathématiques, est l’un de mes plus grands accomplissements aussi. Ce sont des choses que j’aurai aimé avoir lorsque j’étais en train de me chercher à l’école secondaire.

Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontés dans votre secteur d’activité ?

Il y a beaucoup d’obstacles que je rencontre au quotidien. Premièrement, c’est le fait que l’anglais n’est pas ma langue maternelle. Depuis que je suis aux États-Unis, je sais que beaucoup de gens pensent que l’anglais est facile pour moi maintenant, mais parfois, penser, parler et écrire dans différentes langues peut être assez déroutant. En tant que nouvel ingénieur, vous travaillez sur des tâches que vous n’avez jamais vues auparavant, et vous devez accomplir vos taches selon le programme de votre client. Il est donc essentiel d’apprendre à bien équilibrer et à bien gérer son temps. Bref, mes plus grands défis sont de d’apprendre de nouvelles choses/programmes, répondre aux demandes de vos clients,  tout en ayant des délais strictes.

Quels sont les qualités et les défauts de Deborah Mobula ? Que disent de vous vos détracteurs ?

Je pense que mon plus grand défaut est celui de vouloir tout faire en même temps. Il y a des choses qui prennent du temps, et il faut accepter cette réalité. L’une de mes plus grandes qualités est ma capacité à écouter les autres, et de faire preuve d’empathie à la peine de ceux qui sont autour de moi. Mes détracteurs, je n’en ai pas tellement(rire), je ne pense pas être arrivée à un niveau ou j’en ai. Mais, il faut se le dire. Beaucoup pensent que je suis un peu partout, et que j’essaie de trop faire en même temps. Chose qui n’est pas toujours bonne. J’ai appris à reconnaitre mes faiblesses, tout en sachant que tout ce que les autres disent de moi n’est pas nécessairement la réalité. J’ai appris à travailler sur moi, sur mes défauts, mais aussi, j’ai appris à être patiente envers moi-même. Les autres ne verront pas toujours le changement dans votre vie. Et même s’ils le voient, ils ne seront pas certainement les premiers à reconnaitre vos victoires. L’être humain a une certaine tendance à toujours pointer du doigt ce qui est mal. Donc, j’ai vraiment appris à vivre avec, sans donner trop de poids a ce que les autres pensent de moi.

Bio Express :

Age : 27

Statut (social, matrimonial) : Célibataire

Source d’inspiration : J’en ai plusieurs : Martin Luther King, Ma famille.

Livre de chevet: Ha, j’en ai plusieurs. Bible (Proverbes), Boundaries (Henry Cloud), What got you here won’t get you there (Marshall Goldsmith)

Si vous aviez exercé un autre métier: Je serais architecte ou architecte d’intérieur ( J’aime tout ce qui est art)

Si vous étiez un personnage dans l’histoire :Je serai certainement Jeanne D’arc. Toujours fascinée par les femmes qui ont impacté l’histoire et leur temps, malgré les difficultés qu’elles ont rencontrées.

Citation préférée:« Notre plus grande peur n’est pas d’être inadaptés. Notre peur la plus profonde est que nous sommes puissants au-delà de toute mesure. C’est notre lumière et non nos ténèbres qui nous effraie le plus. Nous nous demandons : « Qui suis-je pour être brillant, magnifique, talentueux, fabuleux? En fait, qui es-tu pour ne pas être ? Vous êtes un enfant de Dieu. Tu ne fais rien de grand, tu ne changes pas le monde. Il n’y a rien d’éclairé dans le rétrécissement pour que les autres ne se sentent pas en insécurité autour de vous. Nous sommes tous conçus pour briller, comme font les enfants. Nous sommes nés pour manifester la gloire de Dieu qui est en nous. Ce n’est pas seulement chez certains d’entre nous ; c’est dans tout le monde. Et alors que nous laissons briller notre propre lumière, nous donnons inconsciemment aux autres la permission de faire de même. Comme nous sommes libérés de notre propre peur, notre présence libère automatiquement les autres ».

Hobbies : Chanter, jouer à la guitare, randonnées dans la nature et dans les montagnes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Patrick Ndungidi
Journaliste et Storyteller
https://africanshapers.com

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *