Originaire du Soudan du Sud, Ayor Makur Chuot est la première personnalité d’Afrique subsaharienne élue au parlement de l’Etat d’Australie-Occidentale, qui recouvre la totalité du tiers occidental de l’Australie. Elle est également la première députée d’origine sud-soudanaise du pays.
Elue pour le compte du parti travailliste au mois de mars 2021, Ayor Makur sera assermentée le 22 mai prochain, après l’accouchement de son deuxième enfant. Elle va représenter la région métropolitaine du Nord au Parlement d’Australie-Occidentale. Lors de son élection, un internaute australien, qui était admiratif de son parcours, a écrit sur Facebook : « on se demande pourquoi certains qui ont tous les avantages et toutes les opportunités se retrouvent sans abri dans la rue, tandis que d’autres qui partent de rien sont capables d’autant de réalisations ».
De réfugiée à députée
Philanthrope, entrepreneure, défenseure des droits de l’homme et maintenant députée, Ayor Makur, qui vit actuellement à Perth, en Australie, est née en Éthiopie et élevée au Soudan du Sud. Elle a vécu comme réfugiée dans le camp de Kakuma au Kenya (frontière avec le sud-soudan) pendant une dizaine d’années, avant de déménager en Australie, en 2005, à l’âge de 16 ans, avec sa mère et ses 5 frères et sœurs. Son père a été tué en 1992 pendant la guerre au Soudan . «J’ai grandi dans une famille politique. Mon père était impliqué dans la politique à la maison, mais étant une femme sud-soudanaise, je ne pensais pas me lancer dans la politique. Mon père a été tué pendant la guerre, alors j’ai vécu une expérience vraiment traumatisante », a expliqué Ayor Makur lors d’une interview avec l’Australian Broadcasting Corporation (ABC), le diffuseur public national en Australie.
Ayor Makur est arrivée en Australie sans un parcours scolaire adéquat. Etant l’aînée de la famille, elle a été obligée de s’occuper de ses frères et sœurs pour venir en aide à sa mère. «Quand je suis arrivée ici, je ne parlais pas beaucoup anglais et je n’avais pas d’éducation préscolaire car être une fille au Soudan du Sud signifie que vous devez prendre soin de vos frères et sœurs et aider votre mère avec beaucoup de choses », a-t-elle expliqué à watoday.com.au. La famille a déménagé dans la banlieue nord de Perth et la mère d’Ayor Makur a eu deux autres enfants, portant le nombre de ses frères et sœurs à sept. Pour la députée, son élection est un bon signe dans un monde occidental rempli de préjugés envers les réfugiés et les migrants, alors que ces derniers se lèvent tous les matins, travaillent dur, apprécient le système et peuvent aussi redonner à la communauté. « Nous sommes venus sans rien dans ce pays et nous avons saisi cette opportunité. Moi et mes frères et sœurs, en particulier, nous apprécions vraiment ce que nous avons reçu », a fait savoir Ayor Makur à l’ABC.
Carrière de mannequin
C’est vers 2009, après la naissance de son premier fils qu’Ayor Makur a été repérée par une agence de mannequins, alors qu’elle terminait une formation à la Technical and further education (TAFE), un ensemble d’établissements d’enseignement technique et complémentaire en Australie qui proposent un large éventail de cours à prédominance professionnelle. D’abord réticente à l’idée de devenir mannequin, Ayor Makur, encouragée par sa mère, a fini par se lancer dans cette carrière. «Je ne voulais pas être mannequin, mais ma mère m’a conseillé d’essayer. Je me suis lancée dans le mannequinat et ça a décollé. A ce moment-là ,j’étais une jeune maman, je venais d’avoir mon fils. Je devais jongler avec le fait d’être maman et de voyager », a déclaré Ayor Makur. «J’ai fini par voyager à l’étranger. Je suis allée à New York, où j’ai participé à la fashion week de New York. Je suis allée à Londres, en Afrique du Sud, en Nouvelle-Zélande et j’ai été mannequin partout en Australie, à la fashion week de Sydney, à Melbourne , Perth, etc. », a expliqué celle qui a notamment défilé pour de grandes marques comme Givenchy, Chanel et Betsey Johnson.
Entrepreneure dans la mode
La carrière de mannequin d’Ayor Makur s’est terminée en 2013, année au cours de laquelle elle est retournée aux études. Tout en améliorant ses compétences en anglais, elle a obtenu un diplôme en commerce, spécialisé en comptabilité de l’université Edith Cowan de Perth. En 2017, elle a créé « Ayor Models », une agence de mannequinat qu’elle dirige jusqu’à présent. En effet, tout en étant mannequin, Ayor Makur s’était rendue compte qu’il était difficile pour des personnes noires ou d’origine africaine de devenir mannequin en Australie. «Quand j’essayais d’aider certains de mes amis et cousins à entrer dans des agences de mannequins ici, c’était assez difficile. Je me souviens avoir emmené l’une de mes amies dans l’une des plus grandes agences ici… et le commentaire qu’on lui a fait était que, ‘Oh, désolé, nous avons déjà deux mannequins noirs dans notre catalogue, nous ne pouvons pas lui trouver du travail. Vous ne pouvez pas blâmer la plupart des agences de mannequins parce que le marché n’était pas habitué à la diversité des styles », a fait savoir la députée.
Organisatrice d’évènements.
C’est alors qu’Ayor Makur a lancé son propre concours de beauté à Perth, appelé « Face of South Sudan » ,pour offrir aux jeunes filles sud-soudanaises une plate-forme et les aider à démarrer leur carrière de mannequin. En 2016, elle a également lancé l’Africa Fashion Week, pour soutenir et mettre en valeur les créateurs et boutiques africains locaux. «J’ai eu cette idée quand je suis allée en Afrique du Sud, comme mannequin. J’étais fière de voir cette diversité. Nous avons des mannequins occidentaux, nos filles africaines, nos filles indiennes, très diverses et elles sont si belles. Alors, je me suis dit: ‘Pourquoi ne pas avoir une plate-forme comme celle-là ici à Perth? ».
Des rencontres fructueuses
Le choix d’Ayor Makur de se lancer en politique a notamment été influencée par l’ancienne députée australienne Janine Freeman, qu’elle a rencontrée en 2013, lorsqu’elle organisait ses évènements liés à la mode. Cette rencontre l’a motivée à adhérer au parti travailliste. «L’une des grandes choses que Janine a faites, c’est qu’elle a noué une excellente relation avec la communauté africaine. Quand vous dites Janine, tout le monde sait qui est Janine ».
Ayor Makur a également participé à la campagne de la députée australienne Anne Aly, d’origine égyptienne, lorsque cette dernière s’est présentée aux élections de 2013. Mais, lorsqu’elle-même a été approchée pour se présenter comme candidate, elle n’était pas d’abord intéressée, avant de se lancer, grâce au soutien de sa famille et de la députée Janine Freeman.
Comme députée, Ayor Makur pourra emmener son nouveau-né au Parlement qui a prévu un espace pour les parents. « Donc maman peut venir ou mon partenaire peut entrer», a-t-elle déclaré.