Des femmes congolaises pionnières ont pris part à la lutte pour l’indépendance de la RDC proclamée le 30 juin 1960. D’autres ont été politiquement actives pendant la période trouble survenue au lendemain de cette indépendance, marquée notamment par la rébellion muleliste et la sécession du Katanga. Ces leaders féminins, souvent occultées dans les récits sur les mouvements de protestation contre la colonisation, ont pourtant joué un rôle important dans les initiatives de réconciliation et d’établissement de la paix. Ci-dessous, quelques femmes qui ont joué un rôle important dans les coulisses de l’histoire de la RDC.
Marie José Sombo, « une Ève noire »
Née en 1945, Marie José Sombo était déjà speakerine à radio Léopoldville à l’âge de 16 ans. Quelques années plus tard, elle deviendra rédactrice du journal congolais « L’Avenir », l’unique femme journaliste noire de cette époque. Au cours de cette période, ce journal publie, chaque jeudi, un supplément dénommé « Actualités africaines ». Le comité de rédaction est composé notamment des journalistes Jean-Jacques Kande, Antoine-Roger Bolamba, Gabriel Makoso, Philippe Kanza, André Genge et Marie-José Sombo. Auteure de chroniques féministes avant-gardistes, en avril-mai 1956, alors qu’une délégation de 16 Congolais, dont Patrice Lumumba, séjourne à Bruxelles, Marie-José Sombo exprimera son étonnement de voir « qu’aucune Eve noire n’ait été invitée à faire partie de cette délégation de visiteurs ».
Maria N’koi
En 1915, dans l’Ouest du Congo, Maria N’koi, considérée comme une puissante guérisseuse, a mené un mouvement insurrectionnel anticolonial, s’opposant à une série de contraintes coloniales (Taxes, prestations forcées, etc.). Selon la légende, la jeune Maria N’koi portait le nom des léopards dont elle s’entourai. Elle utilisait des médicaments et lançait des revendications en désignant les colonisateurs comme responsables des maux des Congolais et de la société congolaise. En outre, dans un contexte marqué par Première guerre mondiale, Maria N’koi a prophétisé la défaite des Belges contre les Allemands. Ses appels à s’opposer aux impôts et à refuser le travail forcé ont attiré des foules de plus en plus nombreuses, avant qu’elle ne soit arrêtée et déportée par les autorités coloniales belges.
Léonie Abo
Wassis Hortense Léonis Abo, née à Malungu, dans la province du Kwilu, en 1945, a rejoint la lutte anticoloniale contre les Belges en 1959, à l’âge de 14 ans. Cette année-là, elle est contrainte à un mariage arrangé avec Gaspar Mumputu, une union où elle est victime de violences domestiques. C’est durant cette période qu’elle a découvert les activités politiques du Parti Solidaire Africain, créé la même année et luttant pour l’indépendance de l’actuelle République démocratique du Congo.
La mère de Léonie Abo est décédée pendant l’accouchement de cette dernière. C’est ainsi qu’on l’a appelée « Abo », un terme signifiant « Deuil » en langue Babumda. Elle a fréquenté l’école primaire du village de Lukamba (1952) et l’école secondaire de l’école missionnaire de Totshi, lorsqu’elle a été baptisée et renommée Léonie Hortense.
En 1957, elle a suivi une formation d’assistante sage-femme et d’infirmière pédiatrique au Foreami (Fonds Reine Elisabeth pour l’ assistance médicale aux indigènes du Congo belge), établissement de formation dirigé par la reine Elisabeth de Belgique. Elle fait partie de la première promotion à suivre cette formation.
Contre sa volonté, elle fut emmenée dans un camp rebelle en 1963 en raison de ses connaissances médicales. Elle y rencontre et épouse Pierre Mulele, chef de la « rébellion Simba ou rébellion muleliste » et ancien ministre de l’éducation nationale dans le gouvernement de Patrice Lumumba. Elle y a travaillé comme infirmière et a combattu arme à la main dans le maquis, devenant une figure importante de l’insurrection. Elle y a occupé le poste de responsable du service de santé et de commandeur d’arrière-garde contre les soldats de l’armée officielle.
Léonie Abo est restée aux côtés de Pierre Mulele jusqu’à son assassinat en 1968 dans la ville de Kinshasa. Retenue prisonnière par les forces gouvernementales de Mubuto Sese Seko, elle est libérée en 1969 et se réfugie au Congo Brazzaville voisin, jusqu’à la chute du régime de Mobutu en 1997, avant de retourner en RDC.
Dans le film, « Abo, une femme du Congo » de Mamadou Djim Kola, Léonie Abo, aujourd’hui âgée de 78 ans, apporte des témoignages essentiels sur la période coloniale et l’insurrection au Congo RDC, de 1963 à 1968.
Joséphine Siongo-Nkumu
femme politique congolaise, Joséphine Siongo a été la première femme congolaise à siéger au conseil municipal de Léopoldville, l’actuelle ville de Kinshasa en 1956.
En 1957, elle a été nommée déléguée congolaise auprès de l’Union mondiale des organisations féminines catholiques.
Andrée Blouin
Grande oratrice et révoltée par la ségrégation raciale dans les colonies européennes d’Afrique, Andrée Blouin s’est engagée pleinement dans les luttes politiques qui ont abouti à l’indépendance du Ghana, de la Guinée et de l’ex Congo belge. Née le 16 décembre 1921, dans le village de Bessou, en République centrafricaine, Andrée Madeleine Gerbillat, de son vrai nom, est le fruit de l’union Josephine Wouassimba, une jeune fille Banziri de 14 ans et de Pierre Gerbillat, un commerçant français.
Après l’indépendance de la Guinée le 2 Octobre 1958, où elle a milité aux côtés de Sékou Touré, Andrée Blouin a rejoint l’ex Congo belge, où elle a intégré le Parti Solidaire Africain (PSA) aux côtés d’Antoine Gizenga et s’est clairement engagée dans la lutte pour l’indépendance de la RDC contre la Belgique. Le 8 avril 1960, Andrée Blouin crée le « Mouvement Féminin pour la Solidarité Africaine » afin de mobiliser les femmes congolaises à la cause de l’indépendance du 30 Juin 1960. Grande oratrice, elle communique sa foi aux foules et contribue à la victoire, aux élections de mai 1960, de l’alliance entre le PSA et le Mouvement National Congolais (MNC) de Patrice Lumumba. Ce dernier devient le premier Premier Ministre du Congo démocratiquement élu. Andrée Blouin, qui avait attiré l’attention de Patrice Lumumba, est nommée chef du protocole du gouvernement de ce dernier en 1960 et rédactrice de certains de ses discours. Pendant cette période, elle est surnommée « La femme derrière Lumumba ».
Quelques mois plus tard, après l’assassinat de Patrice Lumumba, Andrée Blouin est expulsée du Congo. Elle poursuivra son combat panafricaniste dans d’autres pays où elle a trouvé refuge, notamment en Suisse et en Algérie.
Andrée Blouin a rédigé l’ouvrage « Mon pays, l’Afrique : Autobiographie de la Pasionaria noire », une autobiographie qui dépeint l’histoire inédite d’une pionnière de la révolution et du féminisme dans une société coloniale marquée par la ségrégation.
Andrée Blouin est décédée le 9 avril 1986 à Paris.
Joséphine Swale Maya Kapongo
Originaire de la ville de Kisangani, Joséphine Swale Maya Kapongo était une militante de la première heure du Mouvement national congolais (MNC/L) créé par Patrice Lumumba, Cyrille Adoula et Joseph Ileo, le 5 octobre 1958. Aide-soignante de profession, elle a été une figure incontournable du bureau politique du MNC, principalement composé d’hommes. Néanmoins, malgré la grande considération dont elle bénéficiait parmi ses camarades, elle n’a pas été retenu pour participer à la Table ronde de 1958 à Bruxelles où les nationalistes congolais allèrent défendre la cause de l’indépendance.
Marie Kanza
Moins médiatisée que sa sœur Sophie Kanza, première femme ministre de l’histoire de la RDC, et son frère Thomas Kanza, premier universitaire congolais diplômé en Belgique, Marie Kanza fait pourtant partie des pionnières de l’indépendance de la RDC. Première infirmière congolaise noire du Congo Belge, elle a servi comme agent de renseignement dans le mouvement des luttes pour la souveraineté nationale et travaillait avec un avocat français acquis à la cause congolaise, explique le document « The Founding Mothers. Pioneering for Africa’s Independence ». Ainsi, explique-t-on, Marie Kanza cachait l’argent de la cotisation dans ses vêtements et faisait des navettes entre Brazzaville et Kinshasa pour envoyer l’argent à l’avocat qui aidait les Congolais à partir de la France.
Julienne Mbengi
En 1958, Julienne Mbengi a créé la FABAKO (Femmes de l’Alliance des Bakongo), une association de femmes liée à l’ABAKO (Alliance des Bakongo), la principale association culturelle et politique du Bas-Congo dirigée par Joseph Kasa-Vubu, le futur premier président du pays. L’organisation n’a cependant jamais été reconnue comme une branche du parti politique.
Louise Efoli
Louise Efoli est l’auteure du deuxième article jamais publié par une femme dans le périodique « La Voix du Congolais ». En 1956, elle souligne le fait que les hommes Evolués ne sont pas toujours à la hauteur des idéaux qu’ils prétendent défendre, et critique les ambiguïtés de leur rhétorique sur la libération des femmes.
Un groupe des dix femmes
Par ailleurs, le document « The Founding Mothers. Pioneering for Africa’s Independence » indique qu’un groupe des dix femmes ont lutté clandestinement avec les hommes. Elles appartenaient à des associations et mouvements politiques différents, mais malgré leurs divergences, se sont organisées pour voir le président ghanéen Nkwame Nkrumah, au lendemain de l’indépendance, sous le régime Tshombé. Après l’assassinat de Patrice Lumumba, quelques rebelles avaient trouvé refuge au Ghana ; Ces femmes, indique le document, étaient donc parties demander au président ghanéen de ne pas soutenir le mouvement rebelle car leurs enfants étaient en train de mourir au front. « Leur message était tellement fort que le Président leur donna satisfaction. En 1964, le Congo n’était pas autorisé à participer à la conférence de l’Organisation de l’Unité Africaine. Elles ont encore fait un voyage en Egypte pour que les délégués du Congo soient admis. Pour appuyer leur requête et montrer leur détermination, elles firent la grève de faim la délégation congolaise fut admise parmi les autres ».Il s’agit de : Marie Therese Ilondo, Anna Kembe, Joséphine Maya Kapongo, Antoinette Kidawaza, Anne Mukanda, Marie Jeanne Feza, Veronique Kani, Emily Ekwekele, Marie Ofela & Victorine Njoli.
Véronique Kani deviendra la première femme bourgmestre de la ville de Kinshasa. Elle a été nommée bourgmestre de la commune de Bandalungwa.
Pour sa part, Victorine « Vicky » Njoli Lokenga est la première femme congolaise à avoir obtenu un permis de conduire en RDC, à l’âge de 21 ans, et la première Congolaise à conduire une voiture. Elle a obtenu ce permis le 25 janvier 1955 à l’école de formation des conducteurs de Léopoldville (Actuel Kinshasa), avec la mention grande distinction, car elle avait passé toutes les épreuves avec succès. Elle avait également lancé une entreprise prospère de couture.