Paris: Kapwani Kiwanga, lauréate du prix Marcel Duchamp 2020

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L’artiste canadienne, née d’un père tanzanien, et basé à Paris, a remporté ce prix grâce à son projet  « Flowers for Africa », initié en 2013 lors d’une résidence au Sénégal.

Créé en 2000 pour mettre en lumière le foisonnement créatif de la scène artistique française, le Prix Marcel Duchamp a pour ambition de distinguer les artistes les plus représentatifs de leur génération et de promouvoir à l’international la diversité des pratiques aujourd’hui à l’œuvre en France.

Kapwani Kiwanga est la 20ème lauréate de ce Prix , doté cette année de 35 000 euros. Le prix lui a été attribué le 19 octobre, lors d’une cérémonie au Centre Pompidou à Paris diffusée en direct sur YouTube. Elle succède à l’artiste et cinéaste Éric Baudelaire pour ce prix porté par l’’association pour la diffusion internationale de l’art français (ADIAF) qui célébrait également la 20ème édition du prix.

Gilles Fuchs le Pdt de l’ADIAF & La lauréate du 20 éme prix Marcel Duchamp Kapwani Kiwanga.
20 éme Prix Marcel Duchamp au Centre Pompidou.

Née en 1978 à Hamilton (Canada), d’un père tanzanien, Kapwani Kiwanga vit et travaille à Paris depuis 2005. Son travail traite des asymétries de pouvoir en faisant dialoguer des récits historiques, des réalités contemporaines, des archives et les futures possibles. Elle utilise des méthodes issues des sciences sociales pour déconstruire les récits qui nourrissent la vision de la sphère géopolitique contemporaine. Pour le projet « Flowers for Africa », l’artiste est partie de photographies et de films d’époque tournés lors d’événements diplomatiques qui ont donné naissance à l’indépendance de pays africains. Sur ces images, elle a repéré les compositions florales présentes sur les tables des négociations, lors d’allocutions pendant la signature d’accords ou sur des estrades. Ces bouquets ont ensuite été recréés pour l’exposition. Ces compositions florales deviennent des témoignages de ces moments historiques.

« C’est une façon de repenser l’accès à l‘histoire, de questionner la valeur même d’archive et les limites qu’elle impose ainsi que l’histoire qu’elle véhicule. Ces compositions de fleurs, amenées à se faner, sont pour moi des documents en tant que tels, des témoins silencieux, au même titre que d’autres personnes présentes ce jour-là mais qui n’ont pas pu partager leur ressenti sur des moments historiques. Il s’agit de déplacer le discours officiel, en laissant la possibilité à d’autres voix de se faire entendre », a indiqué Kapwani Kiwanga lors d’une interview.

Déconstruire les discours dominants

Réalisatrice de documentaires à l’origine, Kapwani Kiwanga a étudié l’anthropologie et la religion comparée à l’université McGill de Montréal. A son arrivée en France, elle a effectué un post-diplôme à l’école des Beaux-Arts de Paris. Elle a aussi fréquenté Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains, un établissement français de formation, de production et de diffusion artistiques, audiovisuelles et numériques et a aussi  suivi des résidences aux Pays-Bas et à l’École nationale supérieure d’art de Bourges. Elle s’intéresse ainsi à l’histoire et à l’anthropologie en créant des installations, de sculptures, de photographies, de vidéos ou de performances. En 2016, elle s’est notamment intéressée aux traces matérielles de l’insurrection des Maji-Maji entre 1905 et 1907 contre l’occupant allemand au Tanganyika (actuelle Tanzanie). Elle développe ainsi un art dans lequel les archives font écho à des thématiques sociétales et historiques. Kapwani Kiwanga, explique-t-on, s’approprie les codes dominants et retourne les systèmes de pouvoir contre eux-mêmes, que ce soit dans l’art ou en analysant des histoires plus larges. Ainsi, Kiwanga a développé un vocabulaire esthétique qu’elle décrit comme des « stratégies de sortie », des œuvres qui nous invitent à multiplier les perspectives afin d’aiguiser notre regard sur les structures existantes et d’envisager le futur autrement.

Kapwani Kiwanga a notamment remporté au Canada le prix le Sobey Art Award en 2018, doté de 100 000 dollars. Elle est aussi lauréate du Frieze Award Artist à New York.

Elle a participé à des expositions collectives dans plusieurs institutions : MACBA, Museu d’Art Contemporani de Barcelona (Espagne) ; Whitechapel Gallery, Londres (Grande-Bretagne) ; The Austin Contemporary, Austin (États-Unis) ; Serpentine Galleries, Londres (Grande-Bretagne) ; Yuz Museum, Shanghai (Chine) ; National Gallery of Canada, Ottawa (Canada) ; Contemporary Arts Museum, Houston (États-Unis) ; CCA – Centre for Contemporary Art, Derry (Grande-Bretagne) ; Centre Pompidou, Paris (France) ; The Contemporary Art Gallery, Vancouver (Canada) ; et Hammer Museum, Los Angeles (États-Unis).

Patrick Ndungidi
Journaliste et Storyteller
https://africanshapers.com

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