L’information est contenue dans le nouveau livre sur l’économie africaine publié par le Cabinet McKinsey. Intitulé « Africa’s Business Revolution : How to Succeed in the World’s Next Big Growth Market », le livre, édité par Harvard Business Review , est Co-écrit Par Acha Leke, senior Partner chez McKinsey, Musa Chironga, ancien de McKinsey, évoluant actuellement à la banque sud-africaine NedBank et par Georges Desvaux, Senior Partner chez McKinsey.
Selon les auteurs, l’ampleur de l’inadéquation entre la perception globale qu’on a de l’Afrique et la réalité sur le terrain les a incités à rédiger ce livre qui donne un aperçu du commerce en Afrique, de ses perspectives de croissance et se propose de permettre aux dirigeants de comprendre et de saisir les opportunités de création d’entreprises rentables et durables sur le continent.
Le livre, explique-t-on, s’inspire des recherches approfondies et exclusives du McKinsey Global Institute ainsi que de la vaste expérience de McKinsey dans le conseil aux dirigeants d’entreprises et de gouvernements de toute l’Afrique. A ce titre, le livre propose plusieurs études de cas et des interviews exclusives avec 40 grands chefs d’entreprises prospères en Afrique.
Des entreprises qui progressent rapidement
En outre, le livre combine des récits factuels avec des conseils d’experts sur l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie de croissance pour les entreprises en Afrique. Ainsi, l’ouvrage met en lumière des chiffres tirés de la base de données de McKinsey sur les grandes entreprises opérant en Afrique. On y découvre ainsi que 400 entreprises réalisent un chiffre d’affaires supérieur ou égal à 1 milliard de dollars et que près de 700 entreprises réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 500 millions de dollars.
Ces entreprises, indique le livre, sont de plus en plus régionales ou panafricaines, ont progressé plus rapidement que leurs homologues du reste du monde en termes de devise locale et sont plus rentables que d’autres entreprises internationales dans la plupart des secteurs. En outre, indique l’ouvrage, environ les 2/5 de ces entreprises sont cotées en bourse, le reste étant des sociétés privées. Bien plus, souligne l’ouvrage, un peu plus de la moitié appartiennent à des actionnaires privés basés en Afrique, tandis que 27% sont des multinationales et 17% des entreprises publiques. En outre, le Cabinet prévoit 5,6 mille milliards de dollars de dépenses des consommateurs et des entreprises d’ici 2025.
Des entreprises africaines performantes
Parmi les entreprises africaines prospères figure, sans surprise, Dangote Industries, qui fabrique des produits de base comme le ciment, le sucre et la farine en grande quantité. Son Fondateur, Aliko Dangote, est l’homme le plus riche d’Afrique.
En 2017, les revenus annuels du groupe Dangote dépassaient les 4 milliards de dollars . Pourtant, indique l’ouvrage, l’entreprise a continué à viser haut, avec de nouveaux projets de croissance comme la construction de la plus grande raffinerie de pétrole à train unique au monde, dont l’ouverture est prévue pour fin 2019. En construction près de Lagos, son coût est de 12 milliards de dollars.
En outre, le livre revient également sur le succès de la société de téléphonie mobile MTN,basée en Afrique du Sud, et qui compte plus de 200 millions d’abonnés dans 22 pays d’Afrique et du Moyen-Orient ainsi que sur le succès de la compagnie aérienne Ethiopian Airlines, qui a mené une stratégie d’expansion agressive réussissant presque à tripler son nombre de passagers, passé de 3,1 millions en 2010 à 8,8 millions en 2017.
Pour l’exercice terminé en juin 2017, la compagnie aérienne a réalisé un bénéfice annuel de 232 millions de dollars sur un chiffre d’affaires de 2,7 milliards de dollars. Ethiopian Airlines, indique l’ouvrage, est plus rentable que de nombreuses compagnies aériennes au monde.
Par ailleurs, les trois auteurs expliquent que bien que l’Afrique soit historiquement à la traîne, ce jeune continent, dont la population est âgée en moyenne de 20 ans, est devenu un pionnier et un innovateur dans le domaine du numérique et du mobile.« Il y a déjà 122 millions d’utilisateurs actifs de services financiers mobiles en Afrique. Le nombre de connexions par smartphone devrait doubler, passant de 315 millions en 2015 à 636 millions en 2022, soit le double du nombre projeté en Amérique du Nord et non loin du nombre total en Europe. Au cours de la même période, le trafic de données mobiles en Afrique devrait être multiplié par sept ».
Voir grand
Néanmoins, indique l’ouvrage, malgré quelques réussites remarquables, l’Afrique est à la traîne par rapport aux autres régions émergentes en ce qui concerne l’accueil de grandes entreprises. En excluant l’Afrique du Sud, elle ne représente que 60% du chiffre attendu si elle était sur un pied d’égalité avec les autres régions . En outre, signale-t-on, les grandes entreprises africaines sont en moyenne plus petites que celles des autres économies émergentes. Pour les auteurs, les entreprises plus petites et dynamiques du continent doivent voir plus grand et définir des stratégies d’expansion visant explicitement à répondre à la demande non satisfaite en Afrique.
A cet effet, l’ouvrage cite l’exemple de Paga, une startup nigériane de mobile money qui a enregistré plus de 8 millions d’utilisateurs en moins d’une décennie et traite aujourd’hui 2 milliards de dollars de paiements par an. En outre, Gro Intelligence est une autre startup remarquable, dont l’application Web et les outils fournissent une image en temps réel des facteurs qui influent sur les produits agricoles.
Un foyer d’énergie entrepreneuriale
Les auteurs expliquent que les petites et moyennes entreprises (PME) ont un rôle essentiel à jouer pour accélérer le développement économique, répondre aux besoins non satisfaits des marchés africains et surtout créer des emplois. La Banque mondiale, par exemple, rappelle-t-on, estime que les PME sont responsables de la création de 77% d’emplois en Afrique et de la création de la moitié du PIB dans certains pays. « Les entreprises de taille moyenne en particulier sont des créateurs d’emplois majeurs: les recherches de McKinsey montrent que les entreprises de 50 à 200 employés créent des emplois deux fois plus rapidement que les grandes entreprises et les petites entreprises », expliquent les rédacteurs du livre. « Au cours de la rédaction de ce livre, nous avons rencontré des dizaines d’entrepreneurs qui ont lancé des startups explicitement destinées à répondre à la demande non satisfaite de l’Afrique. Jumia, l’un des principaux acteurs du commerce électronique sur le continent, en est un exemple. M-Kopa, qui a vendu des kits d’énergie solaire hors réseau à 600 000 ménages ruraux et les a financés via de l’argent mobile. La société d’investissement Roha, qui a fait du développement de nouvelles usines de fabrication en Afrique un axe central de ses activités, en est un autre exemple. L’une de ces opportunités est la fabrication de bouteilles de verre en Éthiopie pour approvisionner l’industrie des boissons du pays, qui est en plein essor: jusqu’à présent, les fabricants de boissons ont dû importer 90% de leurs bouteilles. Avec ses partenaires, Roha construit une usine de bouteilles de verre d’une valeur de 80 millions de dollars près d’Addis-Abeba. Une fois achevée, l’usine aura la capacité de produire 200 millions de bouteilles par an », expliquent Acha Leke, Musa Chironga et Georges Desvaux.
Un continent propice à l’innovation
Pour ces derniers, de nombreuses autres startups ont la possibilité de prendre de l’ampleur en Afrique, que ce soit dans la vente au détail, la technologie, la fabrication, l’agriculture, les mines ou une multitude d’autres secteurs. Car, expliquent les rédacteurs du livre, la vaste demande non satisfaite de l’Afrique en fait un continent propice à l’entrepreneuriat et à l’innovation à grande échelle. Néanmoins, préviennent les auteurs, toutes les entreprises ne réussiront pas à traduire le potentiel du marché africain en une croissance rapide, cohérente et rentable. « Sur un marché à la fois complexe et de plus en plus concurrentiel, il existe d’énormes différences de performances entre les entreprises les plus performantes et les autres. Certaines entreprises sont les lions des entreprises africaines et se placent au-dessus des autres. D’autres risquent de devenir la proie des lions », notent-ils.
Comment gagner en Afrique ?
Les auteurs indiquent que comme sur n’importe quel marché, il est essentiel de décider où et comment être compétitif. Ainsi, explique-t-ils, les entreprises évoluant dans les villes, pays et régions à forte croissance améliorent leurs chances. De même, les entreprises qui suivent les tendances fortes du secteur, telles que l’adoption rapide des technologies mobiles et numériques, ont de bien meilleures chances de réaliser des performances. « Parfois, il s’agit de «tendances changeantes», telles que les grands marchés non desservis de l’Afrique ou les déficits d’infrastructures. Pour tirer parti de ces tendances, les entreprises ont besoin d’imagination pour voir les opportunités telles que les demandes non satisfaites ou non résolues », indiquent les auteurs.
Néanmoins, nuancent les auteurs, les bons choix stratégiques ne sont qu’un des morceaux du puzzle pour les entreprises cherchant à prospérer en Afrique. Une approche intelligente de l’expansion géographique devrait aller de pair avec un plan pour innover sur le modèle d’entreprise; des solutions opérationnelles qui aideront à gérer les risques et à renforcer la résilience de l’entreprise face aux chocs inévitables susceptibles d’arriver en Afrique; le renforcement des compétences professionnelles et de gestion ainsi qu’ encourager un nouveau type de dirigeant d’entreprise pour le siècle à venir. Les auteurs indiquent que de nombreux dirigeants africains poursuivent ces objectifs pour leur prospérité , précisant qu’ils présenteront cinq de ces leaders dans le prochain livre «Leçons de leadership des pionniers de l’Afrique» à paraître le mois prochain.
Redéfinir les priorités
L’Afrique, concluent les auteurs, abrite des consommateurs dont les dépenses dépassent celles de l’Inde . Pourtant, notent-ils, le continent doit encore faire face à une pauvreté reste généralisée, à des lacunes en infrastructures, à des marchés fragmentés et à la complexité de la réglementation. En redéfinissant les défis pour les inciter à innover et en répondant à la demande du marché en tant que potentiel de croissance, notent les auteurs, les dirigeants d’entreprises peuvent aider leurs entreprises et le continent à prospérer.