La Commission économique pour l’Afrique (CEA), la Banque africaine de développement et la Commission de l’Union africaine (CUA) ont publié, le vendredi 22 mai, la deuxième édition de l’Indice de l’intégration régionale en Afrique (ARII 2019).
Cet Indice,dont la première édition a été publiée en 2016, classe l’intégration des pays africains au sein de leurs Communautés économiques régionales (CER) respectives et également avec le reste du continent. Il compare cinq dimensions clés à savoir, le commerce, la capacité de production, la politique macroéconomique, les infrastructures et la libre circulation des personnes.
L’Indice 2019 fournit des données actualisées sur l’état et les progrès de l’intégration régionale en Afrique. Il permet également d’évaluer le niveau d’intégration de chaque CER et de leurs pays membres.
Le rapport 2019 constate que davantage doit être fait pour intégrer les économies régionales afin de les rendre plus résistantes aux chocs tels que la pandémie actuelle de Covid-19. Dans l’ensemble, l’Indice montre que les niveaux d’intégration sur le continent sont relativement faibles avec un score moyen de 0,327 sur 1.
L’indice couvre également les questions de propriété intellectuelle, de politique de concurrence, d’investissement et de commerce numérique qui profiteront aux phases II et III des négociations de la Zone de libre échange continentale africaine (ZLECA). Ce rapport ARII,explique-t-on, aidera les États membres de l’UA et les CER à répondre aux priorités d’industrialisation et de valeur ajoutée pour le développement du continent.
Sur le plan des CER, la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) affiche le score général d’intégration régionale le plus élevé, tandis que la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) affiche le score général d’intégration régionale le plus faible. L’Union du Maghreb arabe (UMA), suivi de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), affiche le meilleur équilibre entre les dimensions de l’intégration régionale. Le plus grand écart parmi les dimensions s’observe auprès de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) dont les scores se situent entre 0,733 pour la libre circulation des personnes à 0,220 pour la dimension de la productivité.
Extraits du rapport
Intégration commerciale
Performance globale
Avec un score moyen de 0,383, l’intégration commerciale sur le continent africain a tendance à occuper les rangs inférieurs de l’échelle de notation, ce qui reflète le fait que l’Afrique possède les niveaux moyens de droits à l’importation les plus élevés et les niveaux moyens de barrières non tarifaires les plus élevés au monde.
Au fur et à mesure que le nombre de pays ratifiant la ZLECAf augmentera et qu’ils commenceront à libéraliser le commerce sur le continent, l’on enregistrera un accroissement des exportations et importations régionales et une hausse des scores en ce qui concerne cette dimension. L’intensification des échanges commerciaux induira une hausse de la demande de capacités de production et d’infrastructures régionales, ce qui stimulera également la croissance dans ces dimensions de l’intégration.
Les meilleures performances
L’Eswatini est le pays le plus performant d’Afrique en matière d’intégration commerciale, devant la Namibie. Les trois pays suivants qui ont le plus d’échanges commerciaux intra-régionaux sont le Lesotho, l’Afrique du Sud et le Zimbabwe.
Ces classements reflètent le fait que quatre des meilleures performances sont membres de l’Union douanière d’Afrique australe (SACU). La SACU a atteint un niveau très élevé de libéralisation du commerce, revendiquant une union douanière véritable qui crée une forte interdépendance entre les économies participantes. L’autre membre de la SACU, le Botswana, occupe le septième rang au classement continental en matière d’intégration commerciale . Bien que le Zimbabwe ne soit pas membre de la SACU, il bénéficie d’un taux tarifaire favorable par rapport à la région et il a ratifié la ZLECAf. Les pays les plus performants (par exemple, la Côte d’Ivoire, l’Eswatini, la Namibie et l’Afrique du Sud) ont également ratifié la ZLECAf.
Les pires performances
Le pays le moins intégré dans sa région en matière de commerce est la Somalie.Il est précédé du Soudan, de la Tunisie, des Comores et de l’Algérie. La Tunisie, la Somalie, le Soudan et les Comores ont les tarifs à l’exportation les plus élevés de la région. La mauvaise performance de l’Algérie est peut-être imputable au faible volume de ses importations et exportations intrarégionales,indique le rapport.
Intégration productive
Performance globale
L’intégration productive est le maillon le plus faible de l’Afrique en matière d’intégration régionale. Le score moyen du continent pour cette dimension n’est que de 0,201, et le fait est que 33 pays ont des scores plus bas.
Il faut en déduire que la production n’est pas équitablement étalée sur le continent et que les pays ne sont pas en train de tirer parti de leurs avantages comparatifs. Cette situation est peut-être due à l’insuffisance ou l’inexistence de logistiques : les chaînes d’approvisionnement régionales ont besoin de logistiques qui fonctionnent correctement.
Il y a urgence à ce que les pays africains améliorent leurs capacités productives. Ils peuvent y parvenir par une meilleure coordination des échanges commerciaux et des politiques d’investissement au niveau panafricain et par la promotion d’une coopération accrue entre acteurs du secteur public et du secteur privé.
Les meilleures performances
L’Afrique du Sud est le leader du continent en matière d’intégration productive, affichant le score maximum. Les importations et exportations de produits intermédiaires à destination et à partir de l’Afrique du Sud représentent une part plus importante du commerce régional de ce pays qu’elles ne le sont pour n’importe quel autre pays du continent, et l’Afrique du Sud détient le meilleur score dans les calculs de l’Indice de complémentarité commerciale des marchandises.
Le Nigéria, deuxième du classement des pays les plus intégrés en matière d’échanges commerciaux, arrive loin derrière, avec un score de 0,364. Ses exportations florissantes de carburant contribuent à ce classement. Le Nigéria est suivi de l’Angola, de la Tunisie et de la Zambie. Les produits intermédiaires qui font l’objet des échanges commerciaux en Tunisie et en Angola sont largement complémentaires des profils de production de leurs voisins. Le rang élevé qu’occupe la Zambie découle peut-être de l’importance de ses importations d’équipements industriels.
Les pires performances
Les pays les moins intégrés sont la République du Congo, le Lesotho, l’Éthiopie, la Mauritanie et le Niger. La faiblesse du pays le moins performant, la République du Congo, tient à la faiblesse de ses exportations de produits intermédiaires. La complémentarité entre la production du Lesotho et d’autres productions de la région est faible, et le Niger importe peu de produits intermédiaires. Les autres pays à faible performance sont caractérisés par une faiblesse des exportations.
Intégration macroéconomique
Les meilleures performances
Le Maroc est le pays africain le plus intégré dans le domaine macroéconomique. Le pays se positionne loin devant le second du classement, à savoir Maurice. Viennent ensuite l’Égypte, le Rwanda et le Mali.
Les meilleures performances sont généralement les pays dont les monnaies sont facilement convertibles en d’autres devises. C’est le cas du franc rwandais et du dirham marocain. L’Égypte, le Maroc et Maurice sont les pays mettant actuellement en œuvre le nombre le plus élevé de traités bilatéraux d’investissement, autre facteur qui renforce leur position dans le domaine.
Les pires performances
Les deux pays au bas de l’échelle en ce qui concerne l’intégration macroéconomique en Afrique sont le Soudan du Sud et l’Angola dont les scores sont proches de zéro. Les autres pays à faible performance sont la Zambie, le Malawi et l’Érythrée. Le Soudan du Sud affiche le taux d’inflation le plus défavorable et n’est présentement lié par aucun accord bilatéral d’investissement. La performance des autres pays dont les monnaies ne sont pas convertibles est également faible.
Intégration des infrastructures
Performance globale
Avec un score moyen se limitant à 0,220, l’Afrique est à la traîne en matière d’intégration des infrastructures. Plusieurs pays ont des scores proches de zéro et dans 31 pays, le manque d’intégration des infrastructures est effarant. Seuls 11 pays africains sont modérément bien intégrés au niveau régional, dans le domaine.
L’intégration régionale ne peut être effective sans infrastructures adéquates. Dans notre univers hautement technologique, la solidité des liens économiques en matière de développement commercial, financier, social et de la production passe par des infrastructures bien conçues, biens connectés. La mise en œuvre, sans délai, de stratégies visant à remédier au déficit d’infrastructures s’impose comme un impératif.
Les meilleures performances
L’Afrique du Sud occupe la première place en matière d’intégration des infrastructures sur le continent. Il devance de très loin les autres pays les plus intégrés. Les meilleures performances suivantes sont l’Égypte, les Seychelles, le Maroc et la Tunisie.
L’Afrique du Sud possède de bonnes connexions aériennes. Elle a les meilleures connexions par voie aérienne du continent, étant donné que ses ressortissants et ceux du reste de l’Afrique peuvent voyager d’un pays africain à un autre de manière assez efficiente. Le Maroc et la Tunisie sont également dotés de bonnes connexions aériennes. L’Indice de développement des infrastructures de la BAD accorde les meilleurs scores pour l’infrastructure aux Seychelles, suivi de l’Égypte.
Les pires performances
Le Soudan du Sud, l’Érythrée, la Somalie, le Tchad et le Niger sont les pays les moins intégrés du continent en matière d’infrastructures : tous affichent des scores proches de zéro. La Somalie, le Soudan du Sud, le Niger et le Tchad possèdent également les infrastructures les moins développées, selon la mesure de l’Indice du développement des infrastructures de la BAD. La faiblesse de l’Érythrée réside dans l’inadéquation de ses connexions aériennes continentales.
Libre circulation des personnes
Performance globale
Les scores des pays en ce qui concerne cette dimension sont très disparates. Plusieurs ont des scores inférieurs à 0,1, très en deçà de la moyenne africaine qui est de 0,441. Ce résultat reflète les obstacles auxquels les ressortissants africains sont confrontés lorsqu’ils voyagent, ce qui rend plus difficile la conduite des affaires, les visites touristiques, et ne favorise pas l’intégration de façon générale. L’adhésion au Protocole (de Kigali) sur la libre circulation des personnes et une plus grande ouverture des visas amélioreront les scores dans ce domaine en réduisant les coûts de transaction, en intensifiant les échanges commerciaux et en renforçant l’efficacité de la production.
Les meilleures performances
Avec des scores parfaits, les Comores, Djibouti et la Somalie se disputent la première place en ce qui concerne la libre circulation des personnes. Les ressortissants de l’ensemble des 53 pays africains peuvent obtenir un visa à l’arrivée dans ces pays, et tous les trois ont adhéré au Protocole (de Kigali) sur la libre circulation des personnes.
La Mauritanie et le Mozambique suivent avec des scores élevés également. La Mauritanie et le Mozambique ont eux aussi signé le protocole.
Les pires performances
La Libye, l’Érythrée, l’Éthiopie, le Burundi et l’Algérie sont les pays les moins intégrés en termes de liberté de circulation : leurs scores sont proches de zéro. Aucun d’eux n’a signé le Protocole (de Kigali) sur la libre circulation des personnes, et ils exigent de la plupart des ressortissants africains qu’ils obtiennent un visa d’entrée pour visiter leur territoire.
Classement global des pays les plus intégrés en Afrique:
Afrique du Sud
Kenya
Rwanda
Maroc
Maurice
L’Egypte
Sénégal
Ghana
Togo
Djibouti
Seychelles
Zimbabwe
Mauritanie
Mozambique
Ouganda
Burkina Faso
Côte d’Ivoire
Mali
Gambie
Comores
Bénin
Cape Verde
Gabon
Tunisie
Namibia
Sao Tomé
MOYENNE
Congo
Tanzania
Lesotho
Guinée éq.
Somalie
Tchad
Guinée
Botswana
Guinée-Bissau
Niger
Madagascar
Nigéria
Eswatini
Éthiopie
Zambie
Malawi
Algérie
Libye
Centrafrique
Cameroun
Libéria
RDC
Angola
Soudan
Sierra Leone
Burundi
Érythrée
Sud-Soudan