Les 7 éléments culturels d’Afrique inscrits sur les listes du patrimoine immatériel de l’Unesco en 2021         

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Le comité intergouvernemental de l’Unesco pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel s’est réuni en ligne du 13 au 18 décembre et a inscrit, pour cette année 2021, 4 nouveaux éléments sur la liste du patrimoine immatériel qui nécessite des mesures de sauvegarde urgente, dont un élément culturel d’Afrique et 39 nouveaux éléments sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel, dont 6 éléments culturels africains. Ce qui fait un total de 7 éléments culturels d’Afrique inscrits sur les listes du patrimoine immatériel de l’Unesco en 2021.  

Sous la présidence de Punchi Nilame Meegaswatte, Secrétaire général de la Commission nationale du Sri Lanka pour l’UNESCO, indique l’organisation, le comité a également ajouté 4 projets au Registre des bonnes pratiques de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. En outre, dans le cadre de l’assistance financière internationale issue du Fonds du patrimoine culturel immatériel, le Comité a octroyé 172 000 dollars à un projet présenté par la Mongolie, 116 400 dollars à un projet présenté par Djibouti ainsi que 266 000 dollars à un projet présenté par le Timor-Leste.

Pour la première fois cette année, souligne l’Unesco, le Comité a inscrit des éléments issus du Congo, du Danemark, d’Haïti, d’Islande, des États Fédérés de Micronésie, du Monténégro, de la République Démocratique du Congo, des Seychelles et du Timor-Leste, sur les listes du patrimoine immatériel de l’UNESCO. Elles comprennent désormais 630 éléments provenant de 140 pays au total.

Ci-dessous, les 7 éléments africains inscrits par l’Unesco, par catégorie et par pays :

Catégorie : Inscriptions sur la liste de sauvegarde urgente du Patrimoine culturel immatériel. La Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente recense les éléments du patrimoine vivant dont la pérennité est menacée. Elle permet de mobiliser la coopération et l’assistance internationales nécessaires pour renforcer la transmission de ces pratiques culturelles en accord avec les communautés concernées. Elle compte désormais 71 éléments.

Pays : Mali

Elément inscrit  : les pratiques et expressions culturelles liées au « M’bolon », instrument de musique traditionnel à percussion

Le M’Bolon est un instrument de musique utilisé dans le sud du Mali. Il est composé d’une grande caisse de résonance en calebasse recouverte de cuir de vache et d’un manche en bois en forme d’arc muni de cordes. Le nombre de cordes du M’Bolon détermine la façon dont il est utilisé. Les M’Bolon à une et deux cordes sont utilisés lors des manifestations populaires, rituels et cérémonies religieuses, tandis que les M’Bolon à trois et quatre cordes sont utilisés afin d’accompagner les louanges des chefs traditionnels, de célébrer les actes héroïques des rois et d’accompagner les agriculteurs dans les champs. La pratique de cet instrument est enseignée dans le cadre d’apprentissages et par des associations locales.

Catégorie : Éléments ajoutés à la Liste représentative du Patrimoine culturel immatériel de l’humanité .

Cette Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité vise à assurer une plus grande visibilité aux traditions et aux savoir-faire portés par les communautés. Cette liste contient actuellement 492 éléments.

Pays :République démocratique du Congo et République du Congo

Elément inscrit : La rumba congolaise

La rumba congolaise est un genre musical et une danse populaire dans les zones urbaines de la République démocratique du Congo et la République du Congo. Généralement exécutée par un couple composé d’un homme et d’une femme, il s’agit d’une forme d’expression multiculturelle originaire d’une ancienne danse appelée nkumba (« taille » en kikongo). La rumba est utilisée lors de célébrations et de jours de deuil, à la fois dans les espaces publics, privés et religieux. Elle est accompagnée par des orchestres, des chœurs, des danseurs et des musiciens solistes, qu’ils soient professionnels et amateurs. Les femmes ont joué un rôle prépondérant dans l’élaboration de style romantique et religieux. La tradition de la rumba congolaise est transmise aux jeunes générations via les clubs de quartier, les écoles de formation officielle et les organisations communautaires. Par exemple, les musiciens de rumba assurent le maintien des clubs et la formation des artistes apprentis pour la perpétuation de la pratique et la fabrication des instruments. La rumba joue également un rôle économique important, car la formation d’orchestres permet le développement d’une forme d’entrepreneuriat culturel visant à réduire la pauvreté. Elle est considérée comme une partie essentielle et représentative de l’identité du peuple congolais et de ses populations de la diaspora. Elle permet également la transmission de valeurs sociales et culturelles de la région, mais aussi la promotion d’une cohésion sociale, intergénérationnelle et solidaire.

Pays :Seychelles

Elément inscrit : le Moutya

Le Moutya a été introduit aux Seychelles par les esclaves africains qui sont arrivés avec les colons français au début du XVIIIe siècle. À l’époque, cette danse était traditionnellement pratiquée de nuit dans la forêt, à distance de la plantation où vivaient leurs maîtres. Le Moutya servait à l’origine de réconfort psychologique contre les privations et la pauvreté et représentait un moyen de résister à la servitude et à l’injustice sociale. Sensuelle, cette danse à la chorégraphie simple est traditionnellement exécutée autour d’un feu de joie. L’instrument de musique utilisé est un grand tambour en peau de chèvre à cadre étroit, joué principalement par les hommes. La danse commence par le chauffage des tambours au-dessus du feu. Une fois les tambours chauds, les musiciens donnent le rythme tandis que les hommes dans la foule lancent divers thèmes, habituellement des commentaires d’ordre social, auxquels les danseuses répondent d’une voix aiguë. Les hommes et les femmes entament alors une danse sur un tempo modéré, en roulant des hanches et en frappant du pied. Les danseurs s’approchent, mais ne se touchent pas. Aujourd’hui encore, le Moutya est une forme d’expression de l’identité culturelle qui a conservé sa forme d’origine. Elle est généralement pratiquée spontanément au sein de la communauté, mais aussi à l’occasion de rassemblements sociaux et d’événements culturels. Le Moutya se transmet de manière informelle par la pratique, l’observation et l’imitation, ainsi que de manière formelle par la recherche, la documentation et la diffusion.

Pays :Madagascar

Elément inscrit : le Kabary malagasy, art oratoire malagasy

Le kabary malagasy est un discours poétisé déclamé devant un public. Il est très structuré et se compose de proverbes, de maximes, de figures rhétoriques et de jeux de mots. Ce style oratoire rituel était à l’origine utilisé par les dirigeants pour informer la communauté des événements de la vie sociale et des décisions administratives. Avec le temps, il a commencé à être utilisé par les communautés pour communiquer et a fait son apparition dans le cadre d’événements sociaux. Il est ainsi devenu indissociable de la vie sociale à Madagascar, que ce soit durant les festivités, les funérailles, les cérémonies officielles et les manifestations populaires. Sa fonction consiste à exprimer des valeurs et des pensées qui donnent une signification collective aux faits matériels. Dans la pratique, le kabary malagasy se déroule comme un dialogue conventionnel qui met en scène en général deux orateurs ou mpikabary, devant une assemblée. Il peut durer plusieurs heures, mais dans certaines circonstances (par exemple pendant des funérailles), sa structure est simplifiée et il ne dure alors qu’une dizaine de minutes. Son exécution était traditionnellement réservée aux hommes âgés d’un statut social élevé, mais de nos jours, il est de plus en plus pratiqué par les jeunes et les femmes. À l’échelle familiale, il contribue à la cohésion lorsqu’il est pratiqué lors des réunions de famille où toutes les générations sont présentes et participent à la représentation. Dans la sphère publique, il est considéré comme un moyen de renforcer les relations entre les groupes et les communautés, en créant une atmosphère de partage et de cohésion.

Pays :Sénégal

Elément inscrit : le ceebu jën, art culinaire du Sénégal

Le ceebu jën est un plat qui trouve ses origines dans les communautés de pêcheurs de l’île de Saint-Louis au Sénégal. Bien que les recettes varient d’une région à l’autre, le plat est généralement fait à base de darne de poisson, de brisures de riz, de poisson séché, de mollusques et de légumes de saison, tels que les oignons, le persil, l’ail, le piment, les tomates, les carottes, les aubergines, le chou blanc, le manioc, la patate douce, le gombo et le laurier. La qualité du poisson et le choix des légumes sont déterminés par l’importance de l’événement ou le degré d’affection que l’on porte à l’invité. La recette et les techniques de préparation se transmettent traditionnellement de mère en fille. Dans la plupart des familles, le ceebu jën se mange à la main, mais il est souvent d’usage d’utiliser des cuillères ou des fourchettes dans les restaurants. Ce plat est également lié à des pratiques culturelles spécifiques. Par exemple, il est interdit de s’asseoir avec un genou levé, le bol doit être tenu de la main gauche et les grains de riz ne doivent pas tomber en mangeant. Le ceebu jën et les pratiques qui y sont associées sont considérés comme une affirmation de l’identité sénégalaise.

Pays : Maroc

Elément inscrit : la tbourida

La tbourida est une représentation équestre apparue au XVIe siècle. Elle simule une succession de parades militaires, reconstituées selon les conventions et rituels arabo-amazighs ancestraux. Chaque parade de tbourida est effectuée par une troupe constituée d’un nombre impair de cavaliers et de chevaux (de 15 à 25), alignés côte à côte et au milieu desquels se place le chef de la troupe. Souvent, avant l’événement, les cavaliers donnent à leur prestation une portée spirituelle, effectuant leurs ablutions puis priant collectivement. Ensemble, sous la direction du chef, cavaliers et chevaux exécutent une parade composée de deux parties principales. La première est la hadda, ou le salut de la troupe, qui entre au trot en piste et réalise un maniement d’armes acrobatique, puis se repositionne à son point de départ. La deuxième est la talqa, où les troupes repartent au galop et effectuent un tir au fusil, à blanc, avant de se retirer, simulant un départ collectif à la guerre. Les cavaliers portent des costumes et des accessoires d’époque incluant notamment un turban, des vêtements drapés, des babouches, un petit livret du Coran et une épée arabe ancienne. Les chevaux, eux, sont harnachés avec du matériel cousu et décoré de manière traditionnelle. Les cavaliers sont issus d’une même tribu ou d’une même région dont ils représentent les coutumes et les costumes. La transmission se fait de génération en génération au sein des familles, par la tradition orale et l’observation des pratiquants.

Catégorie : inscriptions au Registre des bonnes pratiques de sauvegarde

Ce Registre favorise le partage des expériences de sauvegarde réussies et des exemples de bonnes pratiques de transmission du patrimoine vivant et de sa pratique et connaissances aux générations futures. Le Registre compte désormais 29 bonnes pratiques.

Pays : Kenya

Elément inscrit : la réussite de la promotion des aliments traditionnels et de la sauvegarde des modes d’alimentation traditionnels au Kenya

Au Kenya, les modes d’alimentation traditionnels étaient menacés par des facteurs historiques et par la pression des modes de vie modernes. Les aliments locaux étaient méprisés et associés à la pauvreté et au sous-développement. Conscient qu’un déclin de la diversité alimentaire et des savoirs en la matière aurait des ramifications graves en matière de santé, de sécurité nutritionnelle et alimentaire, le Kenya s’est engagé en 2007 à sauvegarder les pratiques et expressions en lien avec les modes d’alimentions traditionnels. Deux grandes initiatives ont été lancées en collaboration avec des scientifiques et des groupes communautaires. La première consistait à inventorier les aliments traditionnels, et plus particulièrement les légumes traditionnels. Environ 850 plantes autochtones, identifiées par leurs noms locaux, ont été répertoriées. Une documentation détaillée a ensuite été préparée concernant leur utilisation, en indiquant les savoirs autochtones connexes (y compris des recettes) et les pratiques (par exemple les cérémonies). Une promotion rigoureuse de ces aliments a ensuite été mise en place. En ce qui concerne la seconde initiative, l’UNESCO, en partenariat avec le Département de la culture et les Musées nationaux et internationaux du Kenya, et en consultation avec les représentants des communautés, a lancé un projet pilote visant à identifier et inventorier des modes d’alimentation traditionnels en partenariat avec des enfants d’écoles primaires. L’objectif était de sensibiliser aux menaces pesant sur ces modes d’alimentation. Ces deux initiatives ont depuis donné naissance à d’autres activités connexes menées à bien indépendamment par des institutions locales. Plusieurs initiatives similaires ont été lancées au sein d’autres communautés au Kenya, en Éthiopie et au Burkina Faso.

Patrick Ndungidi
Journaliste et Storyteller
https://africanshapers.com

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