Somalie : « Bilan Media », le premier média entièrement féminin, lancé à Mogadiscio.

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Employant uniquement des femmes et dirigé par des femmes, « Bilan », qui signifie « lumineux et clair » en langue somali, propose aux femmes un espace de travail sûr et le pouvoir de choisir ce qu’elles rapportent et comment elles le couvrent.

Le tout premier média Somalie, composé d’un personnel uniquement féminin et dirigé par des femmes, est composée de six femmes (cinq journalistes et une rédactrice en chef) et est hébergée par Dalsan Media Group, l’un des principaux organes de presse du pays, dans des bureaux spécialement équipés qui occupent tout l’étage d’un immeuble de Mogadiscio.

Bilan est soutenu par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), mais reste totalement indépendant, avec un contrôle éditorial complet.

L’équipe diffuse un mélange d’informations et d’articles de fond, en mettant l’accent sur les questions importantes pour les femmes. « Les femmes journalistes décident de ce qu’elles vont couvrir, quand elles vont le faire et comment. Pour la première fois en Somalie, les femmes sont en charge de l’histoire », affirme Bilan Media.

Les six femmes journalistes de Bilan viennent de toute la Somalie et justifient d’une riche expérience dans des médias locaux. Elles sont également passionnées par les droits des femmes, l’équité des reportages et l’intégrité journalistique. « Grâce à son point de vue unique et à son accès à la vie et aux opinions des femmes, Bilan innove non seulement pour les femmes journalistes, mais aussi pour le journalisme somalien, en mettant en lumière des histoires allant de la violence domestique à l’inégalité salariale, qui ont longtemps été ignorées », déclare Bilan Media.

Ci-dessous, les 6 membres de l’équipe de Bilan Media (Bios disponibles sur le site web de Bilan Media)

Nasrin Mohamed Ibrahim, rédactrice en chef

Nasrin Mohamed Ibrahim est la rédactrice en chef de Bilan. Elle a commencé à travailler comme journaliste en 2010, alors qu’elle était encore à l’école secondaire, en réalisant des émissions pour enfants pour la radio Voice of Peace à Mogadiscio.  En 2012, elle a rejoint Radio Mustaqbal et a été promue cheffe de production à peine un an plus tard. Elle a également travaillé pour Hiraan Online, Somali American Radio et BBC Media Action. « Il n’est pas facile d’être une femme à un poste de direction. Toutes les femmes journalistes sont confrontées à des préjugés à l’intérieur et à l’extérieur du bureau. Les membres de la communauté, en particulier les hommes, vous défient à chaque étape du processus. Même votre famille s’oppose à ce que vous deveniez journaliste », explique-t-elle.

Nasrin Mohamed Ibrahim joue un rôle de premier plan dans les groupes de médias des femmes somaliennes. Depuis 2013, elle est directrice adjointe de l’Organisation des femmes journalistes de Somalie.

Passionnée de football, Nasrin Mohamed Ibrahim a créé une équipe de football féminine, Sister Sports, et joue au moins deux fois par semaine. Elle aime également faire de la moto et conduire des auto-rickshaws.

Fathi Mohamed Ahmed, rédactrice en chef adjointe

Fathi Mohamed Ahmed est la rédactrice en chef adjointe de Bilan. Elle a dirigé le département de production du Goobjoog Media Group de 2016 à 2022, organisant la couverture de l’actualité nationale et étrangère, déployant des correspondants et générant des idées de programmes. Elle a également travaillé comme présentatrice et productrice radio pour l’équipe de soutien à l’information de l’Union africaine et de l’ONU, comme productrice à la radio Danan et comme consultante pour un projet de l’ONU sur le genre et les médias. Elle est titulaire d’un diplôme en relations internationales et en diplomatie.

Fathi Mohamed Ahmed a développé sa passion pour le journalisme dès son enfance, en écoutant la BBC avec sa grand-mère. Elle est convaincue qu’une narration engageante et précise est un élément clé du bon journalisme, ce qu’elle a appris en passant autant de temps aux côtés de sa grand-mère.  « Le plus grand défi auquel sont confrontées les femmes journalistes en Somalie est la maltraitance, en particulier de la part des hommes journalistes. Ils proposent de vous aider mais seulement si vous leur donnez quelque chose en retour. Ils harcèlent et exploitent leurs collègues féminines. Bilan contribuera à mettre un terme à cela », indique-t-elle.

Farhio Mohamed Hassan, Reporter

Farhio Mohamed Hassan est journaliste depuis 10 ans. Elle a travaillé pour Aman Radio et Hatuf Radio pendant ses études de journalisme et de communication de masse à la Modern University for Science and Technology de Mogadiscio. Elle a ensuite travaillé comme productrice et rédactrice pour Dalsan Media Group et BBC Media Action.  « Tant de mes collègues féminines ont quitté la profession à cause du harcèlement et du manque d’opportunités. Mais, j’ai tenu bon parce que je crois que les femmes comme les hommes doivent faire connaître les difficultés de la Somalie au grand jour, aussi difficile que cela puisse être ».

Farhio Mohamed Hassan aimerait raconter davantage d’histoires sur les femmes des zones rurales, notamment celles qui travaillent dans l’agriculture.  Elle souhaite faire des reportages sur des femmes qui ont réussi leur vie dans les zones rurales, en s’éloignant des stéréotypes des femmes nomades qui ont tout perdu à cause de la sécheresse, des inondations et de la guerre.

Kiin Hasan Fakat, Reporter

Kiin Hasan Fakat est née dans la ville de Buale, dans le sud de la Somalie, mais a traversé la frontière pour se réfugier au Kenya lorsqu’elle était enfant, quand la guerre a ravagé son pays. Elle a été élevée et éduquée dans le vaste camp de réfugiés de Dadaab, qui fut, un temps, le plus grand du monde. Après avoir suivi un cours de journalisme à l’école polytechnique nationale du nord-est du Kenya, Kiin Hasan a travaillé pendant un an comme productrice et reporter radio au Kenya pour la station somalienne Risala FM et la station kenyane Key FM.  Elle a ensuite décidé de rentrer en Somalie, malgré l’insécurité permanente. Elle s’est installée dans la ville de Kismayo, au sud du pays, où elle a travaillé pour Radio Kismayo et d’autres médias.  La toute première émission de radio de Kiin Hasan était axée sur les problèmes des femmes et elle continue de raconter leurs histoires. Elle joue un rôle actif dans les groupes de médias féminins, notamment l’Association des femmes des médias somaliens.

Naciima Saed Salah, Reporter

Après avoir terminé ses études secondaires à Hargeisa, Naciima Saed Salah n’avait pas les moyens d’aller à l’université. Néanmoins, elle a réussi à trouver un cours de journalisme gratuit et a obtenu un diplôme avant de faire un stage non rémunéré de deux ans à Bulsho TV. Elle a ensuite travaillé pour plusieurs médias dans différentes régions de Somalie, notamment à Garowe, Bossasso et Mogadiscio. Ses problèmes financiers ne se sont pas arrêtés là, car elle était souvent payée de manière irrégulière ou pas du tout. Naciima Saed a également dû faire face au clansisme, notamment lorsqu’elle travaillait dans des endroits où son clan était considéré comme ennemi. Selon elle, ses collègues pensaient que son identité clanique l’empêchait d’être neutre. Elle raconte que la discrimination clanique l’a amenée à être malmenée, à faire du travail supplémentaire et à ne pas recevoir son salaire.

Naciima Saed est particulièrement intéressée par les reportages sur les personnes vulnérables de la société et par la couverture de sujets habituellement considérés comme intouchables par les médias somaliens. Elle raconte des histoires humaines, dont celle d’un vieil homme qui vit depuis des années avec le VIH/sida. Une autre histoire porte sur une grand-mère dont la fille, atteinte de troubles mentaux, s’est enfuie de la maison après qu’elle a été détruite par des inondations. Elle n’a jamais été revue, laissant la vieille femme s’occuper seule de ses petits-enfants.

Shukri Mohamed Abdi, la plus jeune reporter

Shukri Mohamed Abdi est originaire de Baidoa, la capitale régionale de l’État du Sud-Ouest de la Somalie. Dès son plus jeune âge, elle a remarqué que les femmes de la région n’étaient pas égales aux hommes et a décidé de consacrer sa vie à la lutte pour leurs droits.  Elle a terminé sa scolarité en 2019 et s’est directement lancée dans le journalisme, tout en préparant son diplôme. Elle a travaillé comme technicienne et reporter à Radio Baidoa, et comme productrice à la radio et à la télévision d’État du Sud-Ouest.

Shukri Mohamed Abdi a dû relever de nombreux défis après avoir décidé de devenir journaliste. Elle explique que les gens de son clan ne comprennent pas ce qu’implique le métier de journaliste, qu’ils l’insultent et la menacent à cause de son travail. Comme d’autres journalistes en Somalie, elle est également menacée par des groupes de militants.

Shukri Mohamed Abdi a déjà fait la différence dans l’État du Sud-Ouest. En effet, après avoir remarqué qu’aucune seule femme n’occupait un poste de directeur dans l’administration, elle a décidé de soulever la question dans les médias, en organisant un talk-show, où étaient invités des personnes occupant des postes à responsabilité . Peu de temps après, une femme a obtenu un poste de directrice.

Patrick Ndungidi
Journaliste et Storyteller
https://africanshapers.com

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