Ancienne Directrice des risques chez Lehman Brothers à Londres, la camerounaise Jocelyne Ngassa est actuellement directrice des projets du cabinet de consultance « Consulting for entreprise investment initiative (CFEII), basé à Londres. Un des projets sur lesquels elle travaille actuellement est relatif à l’attribution de bourses d ‘études pour la Hongrie aux étudiants de quatre pays de la CEMAC: république du Congo, Gabon, Cameroun et Côte d’Ivoire. Elle a accordé une interview à africanshapers.com, lors de la première édition de l’African Investment Day, organisée le 29 novembre dernier à Düsseldorf en Allemagne par l’agence « Le Petit Event ».
Africanshapers : quel est votre parcours professionnel ?
Jocelyne Ngassa : j’ai commencé à travailler il y a 20 ans à la City à Londres, comme consultante pour une société américaine qui développait des solutions pour la gestion du risque de portefeuille. Ensuite, j’ai ocupé le poste d’analyste du risque dans une entreprise gestionnaire de fonds, principalement des plans de pension pour l’État anglais notamment pour toutes les grosses compagnies comme British Gaz ou British Télécom. Ensuite, j’ai été cheffe d’équipe de cinq analystes. J’ai terminé ma carrière à la City, comme directeur des risques chez Lehmann Brothers. Aujourd’hui, je mets ce background dans la finance et la gestion du risque au service de l’Afrique, via le développement et le financement des projets. J’avais donc créé ma propre société de consultance et maintenant je suis en partenariat avec un autre camerounais où faisons de la stratégie, du montage des dossiers financiers, de la préparation des business plans ainsi que la conception de stratégies d’entrée dans le marché africain, en partenariat notamment avec des investisseurs européens.
En quoi consiste le projet de bourses d’études ?
Au mois de mai 2018, nous avons effectué une mission en Hongrie. Au ministère des Affaires étrangères notamment, il nous a été fait part d’un projet de bourses d’études pour les étudiants africains afin qu’ils puissent aller étudier en Hongrie. Ce pays met à disposition des bourses d’études pour les étudiants de l’Afrique subsaharienne dans tous les secteurs. Les études sont en anglais, mais il existe un accompagnement notamment avec des cours d’anglais. L’attribution de ces bourses permet notamment à la Hongrie de promouvoir le pays et son système éducatif, mais, en même temps, de créer des liens avec ces étudiants qui seront les décideurs de demain dans leur pays d’origine et avec qui la Hongrie pourra entretenir une véritable coopération.
Ces bourses sont déjà disponibles ?
Elles sont déjà disponibles en République centrafricaine qui est le premier pays pour lequel nous avons pu les obtenir. Au Cameroun, le processus d’obtention des bourses est en cours et les premiers étudiants se rendront en Hongrie en septembre 2019. Je serai au Cameroun au mois de février et nous procéderons à la sélection des étudiants sous forme de concours pour plus transparence et de justice.
Combien de bourses sont-elles attribuées ?
Le nombre est de 100 bourses par pays.
En dehors de l’Afrique centrale, quels sont les autres pays africains où ces bourses sont déjà attribuées ?
Elles sont déjà attribuées dans des pays comme le Ghana et le Nigeria et le Kenya. C’est généralement des étudiants en provenance des pays d’Afrique anglophone. Durant les négociations avec les autorités hongroises, nous avons proposé que les pays d’Afrique centrale puissent également bénéficier de ces bourses. Ainsi, ces dernières seront attribuées aux étudiants de la république du Congo, de la république centrafricaine, du Cameroun et du Gabon. Tous les frais sont pris en charge : frais de scolarité, location de la chambre d’étudiant, allocation mensuelle pour l’étudiant.
Pourquoi le choix de ces différents pays ?
Parce que ce sont des pays qui se trouvent dans notre champ d’action. En plus, étant originaire d’Afrique centrale, précisément du Cameroun, je comprends mieux ces marchés et je saurais mieux y accompagner différents partenaires et investisseurs. Mais nous comptons explorer d’autres marchés notamment en Afrique de l’Ouest francophone.
Même si les bourses sont attribuées dans tous les domaines, quelles sont les filières privilégiées ?
Les autorités hongroises sont ouvertes à toutes les filières et nous ont laissé le choix de décider. Pour notre part, nous estimons que cela dépendra des priorités du pays. Au Cameroun, on a besoin de médecins et d’informaticiens. Ce seront les deux filières qui seront privilégiées. Les techniques agricoles modernes sont également une filière importante afin d’avoir des ingénieurs agronomes capables d’optimiser les ressources des terres agricoles.
En dehors des bourses d’études offertes, qu’est ce qui peut pousser un étudiant africain à aller étudier en Hongrie ? Quelles sont leurs spécialités ?
Actuellement, la France est en train de réduire les possibilités d’accès aux études pour les étudiants africains. En Belgique, c’est compliqué aussi et en Angleterre les études coûtent chers. Les frais de scolarité se situent entre 16.000 et 30.000 livres en fonction de la filière. Mais en Hongrie, les coûts sont moindres et se situent entre 5000 et 7000 euros par an. Le système d’ études de médecine en Hongrie est très évolué. La filière informatique est également très évoluée. En outre, les Hongrois sont parmi les meilleurs en Europe dans l’enseignement des techniques agricoles notamment la pisciculture. La Hongrie est un membre de l’union européenne, les étudiants bénéficient donc du visa Schengen. Le pays n’a pas de problème de chômage. Les étudiants bénéficient d’un visa de travail et peuvent donc travailler pendant leurs études à raison de 20 heures par semaine. Le diplôme qui est délivré est européen et permet de travailler dans n’importe quel pays européen si nécessaire.
Quelles sont les conditions d’éligibilité
Les conditions sont académiques. Il faut avoir le baccalauréat avec une bonne mention ( au moins 65%), avoir une bonne connaissance de l’anglais et réussir au concours. Nous souhaiterions que les bourses soient attribuées aux plus méritants. C’est pour cela qu’au Cameroun, nous allons organiser un concours.
Quels sont les autres projets sur lesquels vous travaillez ?
Au Cameroun, nous sommes en train de mettre en place un agri-business, via une plantation pilote de 300 hectares financée à 100% par la diaspora camerounaise, via la « Cameroon business Council », un groupe de 15 investisseurs camerounais à Londres. Nous allons y cultiver des produits variés ainsi que faire de l’élevage. Nous allons étudier quel sera le rendement lorsque l’on développe plusieurs activités ou plusieurs cultures dans la même exploitation. Actuellement nous avons déjà exploité 20 hectares avec notamment la plantation du cacao et du plantain . Le grand challenge dans l’agriculture de masse se situe au niveau de la conservation et de la transformation du produit. C’est dans ces deux phases que se retrouve la valeur ajoutée. Nous développons également un projet de production de cultures à contre-saison. Ce qui génère notamment des défis comme l’irrigation. C’est pour cela que nous avons besoin d’investisseurs étrangers qui savent comment s’y prendre. Nous souhaitons passer à une autre forme ou étape d’agriculture en Afrique.