Le fermier burkinabé fait partie des 7 lauréats de l’édition 2018 du Prix Right Livelihood, plus largement connu comme le « Prix Nobel alternatif », qui ont été dévoilés le lundi 24 septembre à Stockholm en Suède.
La remise des Prix se tiendra le 23 novembre à Stockholm et sera suivie par divers événements publics et réunions de haut niveau à Genève, Zürich et Berlin. Chaque lauréat recevra 96 000 euros qui devront, selon les organisateurs, « être consacrés au bon déroulement du travail des Lauréats et ne sauront en aucun cas être employés à des fins privés » .
Yacouba Sawadogo a été désigné pour le Prix « pour avoir converti en forêts des terres infertiles, prouvant qu’un usage novateur des savoir-faire locaux et indigènes permet aux paysans de régénérer leurs sols. »
La technique du « Zaï »
Yacouba Sawadogo est surnommé « l’homme qui a arrêté le désert ». Il a démarré son activité dans les années 1980 lors d’une rude sécheresse et a réussi à établir une forêt d’environ 40 hectares sur des terres qui étaient infertiles et abandonnées. Cette forêt abrite aujourd’hui plus de 60 espèces d’arbres et d’arbustes différents, se distinguant comme étant l’une des forêts plantées et gérées par un paysan les plus diversifiées du Sahel.
Yacouba Sawadogo a mis en place la technique du « Zaï » qui consiste en des fosses d’ensemencement traditionnelles qui favorisent la rétention de terre, d’eau et de biomasse . Il a perfectionné la technique au fil des ans et a accru les rendements, le repiquage étant plus efficace. Yacouba Sawadogo a formé d’autres paysans à se responsabiliser et à régénérer leurs terres. La productivité de plusieurs dizaines de milliers d’hectares de terres grièvement dégradées a été ainsi recouvrée au Burkina Faso et au Niger.
Auto-subsistance alimentaire
L’adoption des techniques de Yacouba Sawadogo, explique-t-on, mène souvent à l’auto-subsistance alimentaire, le Zaï favorisant la conservation des eaux de pluie et la fertilisation des sols. Elles permettent aux paysans de cultiver leurs terres, même en période de sécheresse. Le plantage d’arbres associés aux cultures facilite l’amendement des sols, assure du fourrage pour le bétail et offre des opportunités d’activités conjointes telles que l’apiculture.
Ces méthodes, indique-t-on, permettent également aux paysans de s’adapter au changement climatique, de réduire la pauvreté rurale et d’enrayer les conflits liés à l’eau et autres ressources locales. Associé à d’autres méthodes paysannes de régénération naturelle de sols, expliqe-t-on, le Zaï pourrait constituer un important moyen pour parer l’émigration forcée et consolider la paix dans la région.
« Je suis très honoré de recevoir le Prix Right Livelihood. Une telle distinction va me permettre de persister dans mes efforts de protection de sa forêt, ainsi que de la faune qui s’y abrite. La légitimation apportée par ce Prix, j’en suis confiant, devrait inspirer d’autres personnes et les encourager à agir tant que possible pour la régénération de leur terre. Et ce au profit de la nature, des communautés locales et des générations futures », a déclaré Yacouba Sawadogo.
Fondée en 1980, la Fondation du Prix Right Livelihood distingue et soutient des personnes et organisations qui se démarquent par leur courage. Le Prix Right Livelihood est décerné tous les ans à quatre Lauréats. Contrairement aux autres récompenses internationales, il ne se décline pas en catégories séparées. Le Prix a déjà été décerné à 174 Lauréats issus de 70 pays. N’importe qui peut suggérer des candidats au Prix Right Livelihood. Après une enquête méticuleuse au sein de l’équipe de recherche de la Fondation, un compte-rendu des suggestions de l’année est ensuite soumis au Conseil de la Fondation ainsi qu’à un Jury international qui se réunit tous les ans en septembre afin de sélectionner les récipiendaires.